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Projet d'extension du port de Porto-Vecchio : pourquoi la mairie joue gros dans la commercialisation de ses anneaux


le Mercredi 17 Juillet 2024 à 18:22

Commercialiser les anneaux du futur port de plaisance de Porto-Vecchio, c’est déjà une nécessité pour la ville, quand bien même les travaux d’extension de son port ne s’achèveront pas avant 2027. En effet, une partie du financement de ce projet pharaonique repose sur la vente des garanties d’usage, ces contrats qui garantissent un amarrage sur vingt ans aux plaisanciers qui en souscriront un. Dans le détail, la municipalité veut vendre pour 30 millions d’euros de garanties d’usage. Une somme qu’elle prévoit de réinjecter dans le budget global de ce projet à 105 millions d’euros. Autrement dit, il faudra vendre une centaine d’anneaux en garantie d’usage pour se donner la possibilité financière d’achever la construction du port. Conscients de l’enjeu, les élus porto-vecchiais réunis en conseil municipal ont débattu du prix de vente de ces sésames longue durée, autorisant dans la foulée leur commercialisation.



La mairie espère commercialiser 20 % de contrats de garantie d'usage, qui permettront à ses titulaires de disposer d'un anneau durant vingt ans.
La mairie espère commercialiser 20 % de contrats de garantie d'usage, qui permettront à ses titulaires de disposer d'un anneau durant vingt ans.
120 euros du mètre carré et par an, sur une durée totale de vingt ans. C’est la proposition de tarification qui a été soumise aux élus du conseil municipal, lundi soir. Concrètement, à ce prix, le propriétaire d’un petit bateau de 60 m² (12 m de long pour 5 m de large) devra débourser 144 000 euros pour s’assurer un emplacement dans le futur port porto-vecchiais durant les vingt prochaines années. Pour les plus gros bateaux (25 m de long), il en coûtera 300 000 euros.

« Ça correspond, en gros, à des tarifs pratiqués dans un port comme celui de Bandol », a relevé le maire porto-vecchiais Jean-Christophe Angelini. Mais pour l’opposition, 120 euros du mètre carré, ce n’est pas si cher payé : « À Antibes, c’est le double, a protesté Camille De Rocca Serra. Or, notre port a vocation à devenir le plus moderne de la Méditerranée occidentale. Par conséquent, une tarification trop basse ne serait pas forcément une bonne chose pour sa notification internationale. » Jean-Christophe Angelini défend cette tarification : « Oui, le projet que nous réalisons n’a que très peu d’équivalents et il faut donc le valoriser à la bonne échelle. Mais nous n’avons pas voulu aller plus loin, car nous considérons que la plaisance locale doit pouvoir aussi s’inscrire dans ce projet. » Le maire a néanmoins proposé d’adjoindre une clause de revoyure aux termes du contrat, pour se laisser une marge de manœuvre, ce qui a été bien accueilli par l’opposition.

Vue d'architecte du projet d'extension du port de Porto-Vecchio, qui doit voir le jour en 2027. REPRODUCTION DE JEAN-JACQUES BEGEL
Vue d'architecte du projet d'extension du port de Porto-Vecchio, qui doit voir le jour en 2027. REPRODUCTION DE JEAN-JACQUES BEGEL
"Notre port ne sera pas un garage à bateaux"

Actuellement, le port de plaisance ne propose pas de contrats de garanties d’usage à ses plaisanciers, pour une raison simple : il n’en a pas le droit. « Selon le code des transports, on ne peut proposer des garanties d’usage que lorsqu’il y a des travaux structurants », renseigne Julien Galichet, le chargé de mission du projet d’extension du port. En effet, la commercialisation des garanties d’usage, comme prévue par la loi, a pour objectif d’aider à boucler un budget d’investissement portuaire. La collectivité qui porte ledit projet est ensuite libre de fixer le pourcentage de garanties d’usage qu’elle souhaite commercialiser. À Porto-Vecchio, on ne souhaite pas aller au-delà de 20 %, soit un maximum de 177 anneaux (sur les 800 du futur port) garantis sur vingt ans à leurs propriétaires. « On veut que notre port soit vivant, qu’il y ait du passage, argumente Jean-Christophe Angelini. On ne veut pas en faire un garage à bateaux. » Les 80 % restants seront proposés sous forme d’autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour une durée d’un an, ou au prix fort lorsque les plaisanciers ne feront que passer et demanderont un anneau pour la semaine, voire la journée. « Aujourd’hui, dans le port, nous avons une centaine de plaisanciers en AOT », indique Julien Galichet. À voir donc si les plaisanciers qui éliront domicile dans le futur port souhaiteront s’inscrire sur le moyen terme (avec l’AOT), ou sur le long terme (avec la garantie d’usage). 

Liste d'attente

Ne pas atteindre l’objectif de commercialisation de garanties d’usage (fixé, on le rappelle, à 30 millions d’euros) mettrait indéniablement la municipalité dans la difficulté, puisque la somme est inscrite dans son programme de financement. Le risque est calculé, rassure Julien Galichet, confiant : « On a aujourd’hui deux cents particuliers qui sont sur liste d’attente pour une place dans le port. On les a sondés quand même un petit peu. Tous ne prendront pas une garantie d’usage, mais au prix que nous allons proposer, nous en avons un certain nombre qui sont intéressés. » La ville participera par ailleurs à des salons nautiques pour y rencontrer des plaisanciers, à qui elle proposera ces garanties d’usage à la vente, jusqu’à épuisement du stock.

Actuellement, une centaine de plaisanciers ont une AOT d'un an dans le port de Porto-Vecchio.
Actuellement, une centaine de plaisanciers ont une AOT d'un an dans le port de Porto-Vecchio.
À ce jour, 20 millions d’euros ont été versés par l’État au titre du Plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC). À ces 20 millions se sont ajoutés 20 autres millions en septembre 2022, suite à un emprunt contracté par la commune auprès du Crédit Agricole. De quoi permettre le lancement de la première tranche du chantier, même s’il reste encore 65 millions d’euros à réunir, puisque le montant hors taxe du projet s’élève à 105 millions d’euros. Trente millions sont attendus au terme de la commercialisation des garanties d’usage. Les trente-cinq derniers millions sont censés être apportés par la Banque des territoires, dont la mission est d’accompagner les grands projets structurants. Camille De Rocca Serra s’en est inquiété durant le conseil municipal. Jean-Christophe Angelini s’est voulu rassurant : « Avec la Banque des territoires, nous sommes dans la discussion des modalités », a annoncé le maire, optimiste quant à une issue rapide. 

Encore 10 millions d'euros de subvention d'État ?

En janvier, il avait fait part publiquement de son mécontentement envers la Collectivité de Corse (CdC), à qui il reprochait de ne pas s’inscrire dans le financement du projet d’extension du port de plaisance, alors qu’une demande de subvention de 5 millions d’euros lui avait été adressée. S’il n’a toujours pas de nouvelles de la CdC, Jean-Christophe Angelini accueille les mains qu’on lui tend, et en l’occurrence, elles viennent de l’État : « Nous avons discuté d’une rallonge de 10 millions d’euros dans le cadre du PTIC. Cette rallonge n’est pas actée, mais nous sommes en mesure d’en bénéficier », s’est-il réjoui. Si cette aide supplémentaire venait à se confirmer, « elle viendrait consolider le plan de financement du projet socle, et renforcer l'intervention de l'Etat sur les ouvrages de génie civil portuaires », précise Julien Galichet.