![Sébastien Simoni, président de Good Barber et de CampusPlex, un des pionniers de l'informatique en Corse. Sébastien Simoni, président de Good Barber et de CampusPlex, un des pionniers de l'informatique en Corse.](https://www.corsenetinfos.corsica/photo/art/default/86404082-61467922.jpg?v=1739302363)
Sébastien Simoni, président de Good Barber et de CampusPlex, un des pionniers de l'informatique en Corse.
- Quel est votre sentiment sur l’Intelligence artificielle (IA) ?
- L’intelligence artificielle (IA) est une révolution majeure pour l’industrie informatique. Elle engendre des gains de productivité considérables et transforme profondément notre manière de travailler. Mais quand on parle d’IA, on parle en fait d’un ensemble d’IA spécialisées ou d’IA Etroite, capable de dépasser l’homme dans un domaine particulier. Il n’existe pas encore d’IA Générale qui serait capable de raisonner, d’apprendre et de s’adapter comme un humain. De nombreuses personnes pensent que l’IA Générale, disponible à prix raisonnable, permettrait d’atteindre la singularité technologique, cela engendrerait une explosion d’innovation. Les avis divergent sur sa faisabilité et ses implications, certains y voyant une opportunité, d'autres un risque existentiel.
- En quoi l’IA est-elle une révolution ?
- Comme je l’ai dit, le terme « Intelligence artificielle » regroupe plusieurs domaines distincts. Aujourd’hui, quand on parle d’IA, on fait surtout référence à l’IA générative, un outil qui permet de manipuler du contenu, de créer des photos, des vidéos, du texte… à partir de la masse de données qui existe, qu’on lui donne et dont il se nourrit. Ce n’est pas de l’intelligence, c’est de la probabilité. L’exemple le plus connu est ChatGPT, un chatbot capable de dialoguer sur n’importe quel sujet, mais aussi d’effectuer diverses tâches comme la synthèse de documents, l’analyse de textes ou encore la traduction.
- Dans quels domaines est-elle utilisée ?
- L’IA générative excelle dans tous les domaines liés à la création de contenu : texte, son, image et vidéo. Elle s’impose également comme un assistant incontournable pour l’écriture de code, capable d’anticiper les intentions des développeurs et de leur faire gagner un temps précieux. D’autres domaines, comme la vision par ordinateur, ont connu des avancées majeures. Aujourd’hui, certaines IA surpassent même les capacités humaines en matière de reconnaissance d’images. C’est ce type de technologie qui est utilisé, par exemple, pour les systèmes de lecture automatique des plaques d’immatriculation à l’entrée des parkings.
- L’IA a-t-elle pénétré les entreprises corses ?
- Oui, comme partout dans le monde. L’IA est un outil de productivité largement adopté, notamment pour la rédaction de courriers ou la gestion de tâches répétitives. ChatGPT et ses concurrents ont connu une adoption fulgurante. De nombreux produits informatiques intègrent désormais de l’IA, parfois sans que les utilisateurs en aient conscience.
- Combien d’entreprises insulaires utilisent l’IA ?
- La majorité des salariés y ont recours dès qu’il s’agit de produire du contenu. Il est fort probable que la plupart des entreprises se voient proposer ou développent elles-mêmes des solutions intégrant l’IA. Dans le secteur du tourisme, par exemple, il est désormais beaucoup plus simple pour une entreprise de proposer son site internet dans plusieurs langues ou de répondre aux clients dans leur langue maternelle. Les outils de traduction automatique ont considérablement gagné en précision grâce à l’intelligence artificielle.
- Y a-t-il des start-ups qui développent l’IA en Corse ?
- Oui, plusieurs start-ups corses ont vu le jour grâce aux nouvelles opportunités offertes par l’IA. J’en connais une petite dizaine. J’aime beaucoup Yourcall, une start-up capable de gérer des appels téléphoniques grâce à l’IA et de les interfacer avec un système de prise de commande. L’expérience utilisateur est particulièrement impressionnante.
- Quels sont les freins et les atouts du développement de l’IA en Corse ?
- L’IA générative est une révolution mondiale, et la Corse ne bénéficie pas d’un avantage spécifique dans ce domaine. Toutefois, comme dans toute révolution naissante, il est plus facile pour de nouveaux acteurs d’émerger à ce stade. En revanche, la Corse possède un atout remarquable : l’école d’ingénieurs en robotique MIRA. Située à Aiacciu, elle a été la seule école de ce type accréditée en France en 2023. Sa première rentrée a eu lieu en 2024. L’étape suivante de la révolution de l’IA sera la robotique et l’IA autonome. C’est d’ailleurs la prédiction du fondateur de NVIDIA, l’entreprise qui fabrique les puces ayant permis l’entraînement des modèles d’IA générative actuels. Les plus grandes entreprises industrielles - Apple, Tesla, Toyota, Hyundai, etc. - investissent massivement dans des plateformes robotiques. Il s’agit probablement du plus grand marché de la prochaine décennie. Dans ce domaine, la Corse bénéficiera d’un vivier de jeunes ingénieurs spécialisés en robotique, formés localement, au moment même où le marché va exploser. Il est donc crucial que cette initiative soit soutenue.
- Dispose-t-on des ressources humaines nécessaires ?
- Les effectifs dans le domaine technologique restent limités, bien que l’offre de formation se soit diversifiée ces dernières années sous l’impulsion de la Collectivité de Corse. Une politique de formation sur le long terme serait nécessaire pour accompagner cette révolution. Mais au-delà de ça, il faut croire en notre capacité.
- Faut-il avoir peur de l’IA ? Quels sont les risques, notamment en matière d’emploi ?
- Toute grande révolution technologique comporte son lot d’opportunités et de défis. Il serait réducteur d’avoir une vision figée de l’IA, car elle ne se limite pas à remplacer des tâches : elle transforme profondément nos façons de travailler. Certes, certaines activités sont automatisées, mais cela permet aussi de libérer du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Plutôt que de supprimer massivement des emplois, l’IA favorise souvent une meilleure productivité et une optimisation des ressources, permettant aux entreprises de faire plus avec les mêmes effectifs.
- En quoi l’IA change-t-elle nos modes de vie ?
- Comme je viens de le dire, l’IA générative transforme principalement les métiers liés à la production de contenu. Toutes les professions impliquant la rédaction, la création visuelle ou sonore verront leur productivité considérablement augmentée. Mais l’impact ne s’arrête pas là. La prochaine grande étape, je l’ai dit, sera l’IA autonome et la robotique. D’ici 2030, en Corse, on pourrait voir émerger un réseau de transports en commun autonome couvrant toute l’île, y compris les zones rurales. Aujourd’hui, ce serait impensable en raison des coûts, car il est difficile de justifier la création d’une ligne de bus pour un village de quelques centaines ou milliers d’habitants. Des entreprises comme ZooX ou Waymo déploient actuellement leur solution dans plusieurs villes américaines. Par exemple, ZooX a développé un minibus pour quatre personnes sans chauffeur. Grâce à l’IA, ces solutions pourraient devenir économiquement viables, améliorant ainsi la mobilité sur l’ensemble du territoire.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- L’intelligence artificielle (IA) est une révolution majeure pour l’industrie informatique. Elle engendre des gains de productivité considérables et transforme profondément notre manière de travailler. Mais quand on parle d’IA, on parle en fait d’un ensemble d’IA spécialisées ou d’IA Etroite, capable de dépasser l’homme dans un domaine particulier. Il n’existe pas encore d’IA Générale qui serait capable de raisonner, d’apprendre et de s’adapter comme un humain. De nombreuses personnes pensent que l’IA Générale, disponible à prix raisonnable, permettrait d’atteindre la singularité technologique, cela engendrerait une explosion d’innovation. Les avis divergent sur sa faisabilité et ses implications, certains y voyant une opportunité, d'autres un risque existentiel.
- En quoi l’IA est-elle une révolution ?
- Comme je l’ai dit, le terme « Intelligence artificielle » regroupe plusieurs domaines distincts. Aujourd’hui, quand on parle d’IA, on fait surtout référence à l’IA générative, un outil qui permet de manipuler du contenu, de créer des photos, des vidéos, du texte… à partir de la masse de données qui existe, qu’on lui donne et dont il se nourrit. Ce n’est pas de l’intelligence, c’est de la probabilité. L’exemple le plus connu est ChatGPT, un chatbot capable de dialoguer sur n’importe quel sujet, mais aussi d’effectuer diverses tâches comme la synthèse de documents, l’analyse de textes ou encore la traduction.
- Dans quels domaines est-elle utilisée ?
- L’IA générative excelle dans tous les domaines liés à la création de contenu : texte, son, image et vidéo. Elle s’impose également comme un assistant incontournable pour l’écriture de code, capable d’anticiper les intentions des développeurs et de leur faire gagner un temps précieux. D’autres domaines, comme la vision par ordinateur, ont connu des avancées majeures. Aujourd’hui, certaines IA surpassent même les capacités humaines en matière de reconnaissance d’images. C’est ce type de technologie qui est utilisé, par exemple, pour les systèmes de lecture automatique des plaques d’immatriculation à l’entrée des parkings.
- L’IA a-t-elle pénétré les entreprises corses ?
- Oui, comme partout dans le monde. L’IA est un outil de productivité largement adopté, notamment pour la rédaction de courriers ou la gestion de tâches répétitives. ChatGPT et ses concurrents ont connu une adoption fulgurante. De nombreux produits informatiques intègrent désormais de l’IA, parfois sans que les utilisateurs en aient conscience.
- Combien d’entreprises insulaires utilisent l’IA ?
- La majorité des salariés y ont recours dès qu’il s’agit de produire du contenu. Il est fort probable que la plupart des entreprises se voient proposer ou développent elles-mêmes des solutions intégrant l’IA. Dans le secteur du tourisme, par exemple, il est désormais beaucoup plus simple pour une entreprise de proposer son site internet dans plusieurs langues ou de répondre aux clients dans leur langue maternelle. Les outils de traduction automatique ont considérablement gagné en précision grâce à l’intelligence artificielle.
- Y a-t-il des start-ups qui développent l’IA en Corse ?
- Oui, plusieurs start-ups corses ont vu le jour grâce aux nouvelles opportunités offertes par l’IA. J’en connais une petite dizaine. J’aime beaucoup Yourcall, une start-up capable de gérer des appels téléphoniques grâce à l’IA et de les interfacer avec un système de prise de commande. L’expérience utilisateur est particulièrement impressionnante.
- Quels sont les freins et les atouts du développement de l’IA en Corse ?
- L’IA générative est une révolution mondiale, et la Corse ne bénéficie pas d’un avantage spécifique dans ce domaine. Toutefois, comme dans toute révolution naissante, il est plus facile pour de nouveaux acteurs d’émerger à ce stade. En revanche, la Corse possède un atout remarquable : l’école d’ingénieurs en robotique MIRA. Située à Aiacciu, elle a été la seule école de ce type accréditée en France en 2023. Sa première rentrée a eu lieu en 2024. L’étape suivante de la révolution de l’IA sera la robotique et l’IA autonome. C’est d’ailleurs la prédiction du fondateur de NVIDIA, l’entreprise qui fabrique les puces ayant permis l’entraînement des modèles d’IA générative actuels. Les plus grandes entreprises industrielles - Apple, Tesla, Toyota, Hyundai, etc. - investissent massivement dans des plateformes robotiques. Il s’agit probablement du plus grand marché de la prochaine décennie. Dans ce domaine, la Corse bénéficiera d’un vivier de jeunes ingénieurs spécialisés en robotique, formés localement, au moment même où le marché va exploser. Il est donc crucial que cette initiative soit soutenue.
- Dispose-t-on des ressources humaines nécessaires ?
- Les effectifs dans le domaine technologique restent limités, bien que l’offre de formation se soit diversifiée ces dernières années sous l’impulsion de la Collectivité de Corse. Une politique de formation sur le long terme serait nécessaire pour accompagner cette révolution. Mais au-delà de ça, il faut croire en notre capacité.
- Faut-il avoir peur de l’IA ? Quels sont les risques, notamment en matière d’emploi ?
- Toute grande révolution technologique comporte son lot d’opportunités et de défis. Il serait réducteur d’avoir une vision figée de l’IA, car elle ne se limite pas à remplacer des tâches : elle transforme profondément nos façons de travailler. Certes, certaines activités sont automatisées, mais cela permet aussi de libérer du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Plutôt que de supprimer massivement des emplois, l’IA favorise souvent une meilleure productivité et une optimisation des ressources, permettant aux entreprises de faire plus avec les mêmes effectifs.
- En quoi l’IA change-t-elle nos modes de vie ?
- Comme je viens de le dire, l’IA générative transforme principalement les métiers liés à la production de contenu. Toutes les professions impliquant la rédaction, la création visuelle ou sonore verront leur productivité considérablement augmentée. Mais l’impact ne s’arrête pas là. La prochaine grande étape, je l’ai dit, sera l’IA autonome et la robotique. D’ici 2030, en Corse, on pourrait voir émerger un réseau de transports en commun autonome couvrant toute l’île, y compris les zones rurales. Aujourd’hui, ce serait impensable en raison des coûts, car il est difficile de justifier la création d’une ligne de bus pour un village de quelques centaines ou milliers d’habitants. Des entreprises comme ZooX ou Waymo déploient actuellement leur solution dans plusieurs villes américaines. Par exemple, ZooX a développé un minibus pour quatre personnes sans chauffeur. Grâce à l’IA, ces solutions pourraient devenir économiquement viables, améliorant ainsi la mobilité sur l’ensemble du territoire.
Propos recueillis par Nicole MARI.