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Une maison de convalescence pour réfugiés serbes à Sari d’Orcino pendant la Grande Guerre


La rédaction le Samedi 31 Août 2024 à 19:45

Dernièrement, à la Mairie de Sari d’Orcino, devant un public nombreux et attentif, l’historien amateur Simon Giuseppi a évoqué le chapitre de son livre « Corse, terre d’accueil, terre d’exil – 1914-1918 » 1 où il est question d’une maison de convalescence qui avait été créée dans cette commune en 1916 pour soigner des réfugiés serbes blessés et malades.



L’arrivée sur le port d’Ajaccio du paquebot « Le Balkan » avec sa cargaison de réfugiés serbes et de caisses de carburant.
L’arrivée sur le port d’Ajaccio du paquebot « Le Balkan » avec sa cargaison de réfugiés serbes et de caisses de carburant.
Simon Giuseppi a ainsi rappelé que la Serbie ayant été écrasée par les armées austro-hongroises et bulgares fin 1915, une partie importante de sa population avait été contrainte à la fuite et se trouvait massée sur les côtes albanaises et à Salonique. Sommée par la Russie, la France vint à la rescousse de ces communautés malheureuses, évacuant des dizaines de milliers de réfugiés vers l’hexagone.
Environ 4 500 d’entre eux, hommes femmes, enfants et vieillards, débarquèrent à Ajaccio, dans un état de grande souffrance pour beaucoup d’entre eux.
Cette communauté avait été prise en charge, à Salonique, par une mission médicale britannique, destinée à œuvrer en Serbie, mais arrivée trop tard. L’équipe qui accompagna les Serbes en Corse était constituée d’une ONG britannique, The Serbian Relief Fund qui s’occupait de l’administration et des financements et d’une bonne centaine de médecins et d’infirmières toutes écossaises, appartenant au Scottish Women’s Hospitals.
Le préfet de Corse de l’époque, Albert Henry, accueillit les Serbes avec beaucoup d’humanité. Il prit en charge une moitié du groupe qu’il logea à la Caserne Abbatucci et aux Dames de Marie à Ajaccio et dans l’ancien pénitencier de Coti-Chiaveri. Mais il était très content de pouvoir partager la charge et les frais avec la mission britannique qui s’occupa donc de l’autre moitié qu’elle établit dans des « colonies ». Toute cette communauté était soignée par les Dames écossaises qui d’ailleurs ne faisaient pas de distinction entre les Serbes et la. population d’Ajaccio et de ses environs.
Les colonies de Bocognano, Ucciani et Piana recevaient chacune environ 120 Serbes ; elles comportaient des écoles, des ouvroirs, des églises (de rite orthodoxe) et des services de santé.
Mais ce sont les Écossaises auxquelles s'est intéressé l'historien. Cette organisation fut fondée parune femme et ne prenait que du personnel féminin ; elle accomplit 14 missions pendant la Grande Guerre dont celle en Corse. Sa fondatrice, la Doctoresse Elsie Inglis, était très engagée dans le mouvement suffragiste qui revendiquait pour les femmes non seulement le droit de vote, mais également celui de se battre pour la Patrie.
L’hôpital ajaccien, établi dans la Villa Miot et dans des tentes de campagne installées dans son jardin, employait environ 120 femmes, du personnel administratif, mais surtout des doctoresses, infirmières, aides-soignantes, etc. Il y avait plusieurs annexes où les malades étaient soignés, notamment le Lazaret d’Aspretto à Ajaccio, et cette « maison de convalescence » de Sari d’Orcino. Pour relier les différents sites, les Écossaises disposaient de voitures, encore rares en Corse en 1916, pour lesquelles il fallait de l’essence, denrée également difficile à obtenir sur une île autour de laquelle rôdaient les sous-marins ennemis.
Les conductrices de ces voitures de service étaient bien entendu, toutes féminines et écossaises.

La Villa Miot et les tentes de campagne constituant l’hôpital des Dames Ecossaises
La Villa Miot et les tentes de campagne constituant l’hôpital des Dames Ecossaises
L’existence d’une maison de convalescence à Sari est confirmée par un rapport officiel dactylographié d’août 1918 qui malheureusement ne précise pas sa localisation, a encore rappelé Simon Giuseppi. « La Mission a pu établir une maison de convalescence à Sari d’Orcino pour environ 30 malades.
L’administration et la gestion financière incombent au Serbian Relief Fund et les soins médicaux sont donnés par l’Hôpital des dames écossaises »
. Le chiffre de « 30 » malades est deviné, n’est pas parfaitement lisible, car corrigé, et pourrait être en réalité 10 ou 50 ; dommage, car le bon chiffre aiderait à réduire le choix d’immeubles dans la commune susceptibles d’avoir été loués par les Britanniques.
Simon Giuseppi a émis l’idée de l’ancien couvent de Sari mais les participants à sa conférence, pour la plupart des locaux, ont rejeté cette hypothèse, sans pour autant se mettre d’accord sur un autre bâtiment, existant encore ou démoli entretemps.
Ainsi, l’énigme reste ainsi, pour le moment, entière…

(à gauche) La doctoresse Marie Blair, première directrice (des trois) de l’hôpital des Dames Ecossaises d’Ajaccio. Elle quittera cette fonction en 1917, appelée à d’autres responsabilités à Malte, puis à Salonique. (au centre) Sir Edward Boyle qui, avec sa mère, représentait le Serbian Relief Fund en Corse (à droite) Lady Constance Boyle, épouse de Sir Edward, a œuvré pour les Serbes comme membre de la Croix Rouge. Elle porte ici les insignes et décorations que la Serbie lui a décernés
(à gauche) La doctoresse Marie Blair, première directrice (des trois) de l’hôpital des Dames Ecossaises d’Ajaccio. Elle quittera cette fonction en 1917, appelée à d’autres responsabilités à Malte, puis à Salonique. (au centre) Sir Edward Boyle qui, avec sa mère, représentait le Serbian Relief Fund en Corse (à droite) Lady Constance Boyle, épouse de Sir Edward, a œuvré pour les Serbes comme membre de la Croix Rouge. Elle porte ici les insignes et décorations que la Serbie lui a décernés