- Cette banque alimentaire fonctionne-t-elle, comme les Restos du cœur, seulement en période hivernale ?
- Non. L’association Partage est une banque alimentaire qui fonctionne toute l’année. La misère ne connaît ni les saisons, ni les religions, ni les races. La misère, comme la musique, est quelque chose d’universel, hélas !
- A combien de familles venez-vous en aide ?
- Environ 875 familles, ce qui représentent à peu près 1900 personnes réparties sur Bastia et le grand Bastia, notamment Borgo, Biguglia, Sisco… Nous agissons deux fois par semaine. Les bénéficiaires ne viennent au local prendre les produits généralement qu’une fois par mois. Cependant, si le besoin s’en fait sentir, il est évident que nous ne refusons pas à un bénéficiaire de revenir deux fois dans le mois. Après la période hivernale, quand les Restos du cœur sont fermés, nous ouvrons trois fois par semaine.
- D’où proviennent les produits que vous distribuez ?
- Tout d’abord, tous nos produits sont donnés gratuitement. Nous recevons de l’Union européenne des produits de base (pates, riz, etc) qui transitent par l’intermédiaire de la Croix Rouge, avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Nous achetons, également, nos propres produits grâce aux seules subventions de l’Etat. Les subventions du Conseil général de la Haute-Corse sont, pour le moment, inexistantes. Maintenant, nous pouvons, en plus, distribuer, quotidiennement, des fruits, des légumes et des produits frais grâce à la convention signée avec les grandes surfaces.
- Est-ce un apport important ?
- C’est une manne supplémentaire très importante. Imaginez des fruits, des légumes, des produits frais, des fromages, des yaourts… chaque jour ! Même, si souvent, ces produits donnés ont une date de péremption très courte. On sait très bien qu’ils peuvent être consommés dans la semaine au-delà de cette date. Les grandes surfaces jouent très bien le jeu, je les en remercie. Les produits frais ont changé le quotidien des bénéficiaires.
- Votre association joue un rôle-clé dans cette convention avec les grandes surfaces ?
- Oui. Un chauffeur fait, tous les matins, le ramassage des produits auprès des grandes surfaces. Ensuite, il les redistribue, soit à Partage, soit aux Restos du cœur, soit au Secours populaire quand ils sont ouverts.
- Selon vous, le niveau de précarité dans l’île a-t-il augmenté, ces derniers temps, de manière significative ?
- Oui. Je ne suis présidente de l’association Partage que depuis trois ans, je me suis rendue compte que, depuis mon arrivée, le niveau de précarité a beaucoup augmenté. Il y a trois ans, peu de retraités corses venaient à l’association. Aujourd’hui, beaucoup d’entre-eux viennent pour pouvoir se nourrir correctement. Viennent également beaucoup de jeunes qui se retrouvent en situation de précarité, des familles monoparentales, des filles enceintes, des femmes divorcées, des gens qui touchent le RSA… Toutes ces situations poussent les gens à venir demander de l’aide.
- Le nombre de familles corses, qui recourent à l’aide alimentaire, a-t-elle augmenté ?
- Beaucoup de familles corses, bien plus qu’on pourrait le penser, viennent prendre l’aide alimentaire. Une fois par mois, un chauffeur va livrer 70 personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer et leur apporte leur colis de nourriture à la maison. Ces personnes âgées sont toutes corses. Leur chiffre prouve bien le niveau de précarité dans l’île. Les Corses, qui sont dans la précarité, ont dépassé le stade de la honte qui les empêchait de demander de l’aide, même s’il reste des familles dans le besoin qui n’osent pas venir. Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes et de femmes corses nous disent : « J’ai besoin d’aide ». Nous les aidons.
- La précarité frappe aussi beaucoup dans les villages. Avez-vous autant d’urbains que de villageois qui viennent demander de l’aide ?
- Il serait intéressant de faire une étude. Est-ce que dans les villages, les gens osent faire le premier pas et aller dans une association demander de l’aide ? Je ne crois pas.
- Ressentez-vous les effets de la crise économique ?
- Tout à fait. Les gens souffrent. Lorsque nous ouvrons les locaux, le lundi après-midi et le jeudi matin, ainsi que le vendredi lorsque les Restos du cœur sont fermés, nous inscrivons 10 à 15 nouvelles personnes. Elles viennent avec des lettres des services sociaux qui expliquent leur situation de précarité et nous demandent de les aider. C’est malheureux, mais à cette allure, nous allons bientôt atteindre le millième inscrit !
- Ne craignez-vous pas d’être dépassé par le nombre ?
- Oui. L’hiver va être rude. La situation va encore empirer. Je pense que nous allons être dépassé par les évènements et je crains qu’on ne le soit déjà aujourd’hui. A l’association, je viens d’engager deux nouvelles personnes car on ne s’en sort pas ! Mais si l’aide financière ne suit pas, comment allons-nous continuer ? L’association dure depuis 12 ans, mais, si rien n’est fait financièrement, elle ne tiendra pas 12 ans de plus. Ce n’est pas possible !
- Avez-vous un appel à lancer ?
- Oui. Nous avons besoin de bénévoles et de dons. Une fois par an, nous faisons une opération caddie. Nous n’en faisons pas plus parce qu’on ne peut pas solliciter en permanence les gens. Mais, à chaque fois, nous sentons le ras-le-bol de la population active qui n’en peut plus de donner. C’est normal, il y a moins d’argent. Mais si, comme on le suppose, l’Europe va réduire l’aide alimentaire, si l’Etat réduit aussi ses subventions, je ne sais pas comment nous allons fonctionner. Je suis très inquiète. Je me pose souvent la question : « Jusqu’à quand tiendrons-nous ? ». Je ne sais pas.
Propos recueillis par Nicole MARI
- Non. L’association Partage est une banque alimentaire qui fonctionne toute l’année. La misère ne connaît ni les saisons, ni les religions, ni les races. La misère, comme la musique, est quelque chose d’universel, hélas !
- A combien de familles venez-vous en aide ?
- Environ 875 familles, ce qui représentent à peu près 1900 personnes réparties sur Bastia et le grand Bastia, notamment Borgo, Biguglia, Sisco… Nous agissons deux fois par semaine. Les bénéficiaires ne viennent au local prendre les produits généralement qu’une fois par mois. Cependant, si le besoin s’en fait sentir, il est évident que nous ne refusons pas à un bénéficiaire de revenir deux fois dans le mois. Après la période hivernale, quand les Restos du cœur sont fermés, nous ouvrons trois fois par semaine.
- D’où proviennent les produits que vous distribuez ?
- Tout d’abord, tous nos produits sont donnés gratuitement. Nous recevons de l’Union européenne des produits de base (pates, riz, etc) qui transitent par l’intermédiaire de la Croix Rouge, avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Nous achetons, également, nos propres produits grâce aux seules subventions de l’Etat. Les subventions du Conseil général de la Haute-Corse sont, pour le moment, inexistantes. Maintenant, nous pouvons, en plus, distribuer, quotidiennement, des fruits, des légumes et des produits frais grâce à la convention signée avec les grandes surfaces.
- Est-ce un apport important ?
- C’est une manne supplémentaire très importante. Imaginez des fruits, des légumes, des produits frais, des fromages, des yaourts… chaque jour ! Même, si souvent, ces produits donnés ont une date de péremption très courte. On sait très bien qu’ils peuvent être consommés dans la semaine au-delà de cette date. Les grandes surfaces jouent très bien le jeu, je les en remercie. Les produits frais ont changé le quotidien des bénéficiaires.
- Votre association joue un rôle-clé dans cette convention avec les grandes surfaces ?
- Oui. Un chauffeur fait, tous les matins, le ramassage des produits auprès des grandes surfaces. Ensuite, il les redistribue, soit à Partage, soit aux Restos du cœur, soit au Secours populaire quand ils sont ouverts.
- Selon vous, le niveau de précarité dans l’île a-t-il augmenté, ces derniers temps, de manière significative ?
- Oui. Je ne suis présidente de l’association Partage que depuis trois ans, je me suis rendue compte que, depuis mon arrivée, le niveau de précarité a beaucoup augmenté. Il y a trois ans, peu de retraités corses venaient à l’association. Aujourd’hui, beaucoup d’entre-eux viennent pour pouvoir se nourrir correctement. Viennent également beaucoup de jeunes qui se retrouvent en situation de précarité, des familles monoparentales, des filles enceintes, des femmes divorcées, des gens qui touchent le RSA… Toutes ces situations poussent les gens à venir demander de l’aide.
- Le nombre de familles corses, qui recourent à l’aide alimentaire, a-t-elle augmenté ?
- Beaucoup de familles corses, bien plus qu’on pourrait le penser, viennent prendre l’aide alimentaire. Une fois par mois, un chauffeur va livrer 70 personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer et leur apporte leur colis de nourriture à la maison. Ces personnes âgées sont toutes corses. Leur chiffre prouve bien le niveau de précarité dans l’île. Les Corses, qui sont dans la précarité, ont dépassé le stade de la honte qui les empêchait de demander de l’aide, même s’il reste des familles dans le besoin qui n’osent pas venir. Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes et de femmes corses nous disent : « J’ai besoin d’aide ». Nous les aidons.
- La précarité frappe aussi beaucoup dans les villages. Avez-vous autant d’urbains que de villageois qui viennent demander de l’aide ?
- Il serait intéressant de faire une étude. Est-ce que dans les villages, les gens osent faire le premier pas et aller dans une association demander de l’aide ? Je ne crois pas.
- Ressentez-vous les effets de la crise économique ?
- Tout à fait. Les gens souffrent. Lorsque nous ouvrons les locaux, le lundi après-midi et le jeudi matin, ainsi que le vendredi lorsque les Restos du cœur sont fermés, nous inscrivons 10 à 15 nouvelles personnes. Elles viennent avec des lettres des services sociaux qui expliquent leur situation de précarité et nous demandent de les aider. C’est malheureux, mais à cette allure, nous allons bientôt atteindre le millième inscrit !
- Ne craignez-vous pas d’être dépassé par le nombre ?
- Oui. L’hiver va être rude. La situation va encore empirer. Je pense que nous allons être dépassé par les évènements et je crains qu’on ne le soit déjà aujourd’hui. A l’association, je viens d’engager deux nouvelles personnes car on ne s’en sort pas ! Mais si l’aide financière ne suit pas, comment allons-nous continuer ? L’association dure depuis 12 ans, mais, si rien n’est fait financièrement, elle ne tiendra pas 12 ans de plus. Ce n’est pas possible !
- Avez-vous un appel à lancer ?
- Oui. Nous avons besoin de bénévoles et de dons. Une fois par an, nous faisons une opération caddie. Nous n’en faisons pas plus parce qu’on ne peut pas solliciter en permanence les gens. Mais, à chaque fois, nous sentons le ras-le-bol de la population active qui n’en peut plus de donner. C’est normal, il y a moins d’argent. Mais si, comme on le suppose, l’Europe va réduire l’aide alimentaire, si l’Etat réduit aussi ses subventions, je ne sais pas comment nous allons fonctionner. Je suis très inquiète. Je me pose souvent la question : « Jusqu’à quand tiendrons-nous ? ». Je ne sais pas.
Propos recueillis par Nicole MARI