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Élections à la chambre d'agriculture de Corse : Joseph Colombani défend son mandat


Mario Grazi le Mardi 14 Janvier 2025 à 18:29

Candidat à sa propre succession à la présidence de la Chambre régionale d’agriculture, Joseph Colombani a présenté, ce mardi soir à Corte, ses projets lors d’une réunion publique à l’Université de Corse. L’occasion pour lui de détailler sa vision pour l’avenir de l’agriculture corse, soulignant la nécessité d’une organisation plus structurée et d’une politique agricole adaptée aux spécificités de l’île. Une présidence qu’il exercera en alternance avec Stéphane Paquet et un jeune qu’il compte former, afin de préparer la relève et assurer une continuité dans l’engagement pour l’agriculture insulaire.



Vous défendez votre bilan de mandature de six ans à l’occasion de ces élections. Quels sont les points essentiels de ce bilan ?
On va parler d’abord de l’installation des nouveaux locaux de la Chambre d’agriculture à Vescovato. C’est un bâtiment extrêmement fonctionnel, permettant le regroupement de plusieurs structures comme les syndicats, la SAFER, la MSA et même le Crédit Agricole. Cette installation offre une fonctionnalité et une visibilité extraordinaires, montrant que l’agriculture pèse ou doit peser autant que les autres filières économiques. Elle garantit également des conditions de travail de qualité. Enfin, pour mémoire, cette opération nous a permis d’éviter un prélèvement de 1,4 million d’euros sur le fonds de roulement, que nous avons au final réinvestis en Corse. Quel que soit le candidat qui gagnera, il disposera d’un outil formidable au service des agriculteurs. Nous avions quatre propositions et avons choisi la moins coûteuse, avec un échange des anciens bâtiments sur lesquels il aurait fallu engager des travaux. Cela n’a pas été simple, notamment avec le déménagement, car certains s’y opposaient, mais cela a été une réussite à tous points de vue.

Quels autres projets avez-vous réalisés durant cette mandature ?
Le déménagement a permis d’imaginer et de développer des initiatives comme le Salon de l’agriculture corse, que nous avons mis en place avec de nombreux partenaires, notamment la Chambre des métiers et les concessionnaires agricoles. Nous en sommes aujourd’hui à la 4ᵉ édition. Il y a aussi le projet de marché de gros, actuellement en cours, et la création d’une Chambre unique, une réalisation importante après des années de discussions sans aboutir. À cela s’ajoute notre travail quotidien sur plusieurs dossiers clés : l’eau, la mise en place d’un abattoir pour petits ruminants, la préservation d’une coopérative céréalière de transformation, qui malheureusement a fermé mais reste un projet d’avenir.
Nous avons également travaillé sur les filières bovines, avec un projet de méthanisation et un autre d’obtention d’un signe officiel de qualité. À Casabianca, nous sommes intervenus activement pour permettre l’installation de 22 jeunes via l’Office foncier, ce qui était une revendication majeure sur le foncier. Cette installation des jeunes était au cœur de notre action, même si nous avons rencontré des obstacles, notamment avec l’ODARC. On nous a retiré la compétence sur l’installation des jeunes, mais nous nous sommes battus pour prouver l’intérêt de les intégrer à une structure comme la Chambre d’agriculture, au plus près des techniciens qui les accompagneront. C’est une partie importante du bilan. Je suis toutefois conscient qu’il reste encore beaucoup à faire.

Justement, pour la prochaine mandature, quels seront vos principaux projets ?
Nous avons commencé, lors de cette mandature sortante, à élaborer un projet agricole pour la Corse sous la forme d’une Loi d’Orientation Agricole. Malheureusement, ce projet a été bloqué au moment de la dissolution de l’Assemblée Nationale. Toutefois, dans le cadre de l’autonomie de la Corse, nous avons rédigé un projet agricole que nous souhaitons partager avec les autres syndicats et agriculteurs, sous l’égide de l’ODARC, puisque c’était une commande de l’Exécutif de Gilles Simeoni.

Avez-vous pu présenter ce projet jusqu’à présent ?
Non, nous n’avons pas encore eu l’occasion de le présenter, de le discuter et de le concerter. Nous espérons le faire rapidement, car c’est indispensable pour l’avenir de l’agriculture et de la Corse d’avoir un projet à long terme. L’objectif est de tendre vers l’autonomie alimentaire tout en soutenant les filières d’exportation. Cela permettrait d’assurer un équilibre de la balance commerciale et d’aller vers une véritable souveraineté alimentaire.

Quels sont, selon vous, les grands principes à mettre en place pour l’avenir de l’agriculture corse ?
Il y a cinq grands principes essentiels. Le premier, c’est de garantir un revenu décent aux agriculteurs. Le deuxième, c’est de produire pour toutes les bourses, pas uniquement pour une élite. Ensuite, il faut produire dans le respect de l’environnement, avec des pratiques durables et écologiques. Le quatrième principe, c’est de produire sur tout le territoire insulaire, avec un modèle d’exploitation familiale, sans grands regroupements. Enfin, il est crucial d’organiser la production autour de ces principes et de les inscrire dans un cadre concret. Bien sûr, d’autres aspects peuvent s’ajouter à cette base.

Comment envisagez-vous la mise en œuvre concrète de ces principes ?
Un autre point clé concerne la répartition des rôles entre les différents acteurs : la DRAF, l’ODARC, les Chambres d’agriculture, les filières, les syndicats… Il faut définir précisément le rôle de chacun pour éviter les chevauchements. Chaque entité doit avoir une feuille de route claire, des objectifs précis, des moyens adaptés et une reconnaissance de sa mission. Aujourd’hui, on prête facilement aux Chambres d’agriculture des compétences qui ne sont pas les leurs. Leur rôle est avant tout de formuler des propositions et de mettre en œuvre les décisions validées par les autorités publiques et politiques. Ce sont aux élus de décider. S’ils refusent nos propositions, qu’ils assument et nous jugerons sur pièce. Mais la concertation me paraît essentielle.

Quelles seront les prochaines étapes une fois cette concertation aboutie ?
Une fois que les principes, les objectifs et la gouvernance sont définis, il faudra établir les moyens nécessaires : accès au foncier, développement des marchés, financement, formation, gestion sanitaire, ressources en eau, transports… Concernant le sanitaire, nous devons aussi avoir une réflexion commune face aux contraintes comme la Xylella, la fièvre catarrhale ou la punaise diabolique. Mais aujourd’hui, nos réflexions restent sans portée, car elles ne sont pas reprises par les autorités publiques et politiques.
Il faut arrêter de pédaler dans la semoule. Si nos propositions restent sur la table ou finissent à la poubelle, nous n’avancerons pas. Forts de notre expérience, de nos combats et de notre acharnement, notre objectif est de présenter les projets déjà rédigés à l’ensemble des agriculteurs et des syndicats, puis de les ajuster si nécessaire. Ensuite, nous aimerions soumettre un document final à la CdC pour obtenir l’adhésion des élus et, ensemble, le porter à Paris et à Bruxelles.

Vous visez donc une sortie de la Politique Agricole Commune (PAC) ?
Exactement. Le but est de sortir de la Politique Agricole Commune. Elle est « commune », mais elle n’est pas adaptée aux spécificités de la Corse.

 


On connaît la situation des agriculteurs sur le Continent, mais quelles sont les spécificités des difficultés rencontrées en Corse ?
L’une des premières spécificités, c’est le foncier, qui n’est pas traité comme il le devrait. Il y a aussi le sous-développement des infrastructures. Par exemple, nous manquons d’abattoirs efficaces, de coopératives céréalières, d’unités de transformation, de centres de formation, et de centres de recherche sur les maladies émergentes liées au réchauffement climatique. Nous n’avons pas non plus de marché de gros, ni de système de financement privé digne de ce nom. Bref, il nous manque tous les éléments d’une politique agricole spécifique, alors que des solutions existent dans d’autres îles, grâce au POSEI (Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité). C’est exactement ce qu’il nous faut. Nous devons batailler pour y parvenir et y croire. Aujourd’hui, la Corse n’a que 4% d’autonomie alimentaire, tandis que la France est à 80% et est déjà en panique face à la perte de souveraineté. Les DOM-TOM sont à 20%. Il y a de nombreux exemples similaires. Nous avons des chiffres qui montrent que nos produits sont recherchés et attendus. Ils peuvent être produits à des coûts compétitifs, même sans une organisation parfaite, même si cela devient de plus en plus difficile. Il est donc essentiel de nous organiser comme je l’ai mentionné, et je pense que nous n’aurons pas de raison de nous inquiéter pour l’avenir.

Des tensions internes sont évoquées au sujet d’une présidence en alternance au sein de votre liste. Est-ce la réalité ?
Non, il n’y a pas de tensions à ce sujet. C’est le résultat d’une discussion. En cas de victoire de notre liste, je serai président durant les deux premières années. Ensuite, Stéphane Paquet prendra le relais pour les deux années suivantes. Après cela, nous désignerons un jeune que nous aurons formé et jugé comme le plus méritant pour prendre la présidence lors des deux dernières années. Et pour ma part, cela me convient parfaitement. Je vais avoir 64 ans et je pense que j’ai fait mon temps. Depuis longtemps, je dis que je veux former des jeunes, comme j’ai été formé par Marcel Lorenzoni, Mathieu Filidori ou Roger Simoni. Mon objectif est de préparer un jeune, de lui transmettre cette volonté, car j’ai vocation à me retirer. Et nous sommes sur cette liste ensemble pour remporter ces élections.

Dernière question : concernant les adhésions massives dénoncées par les Jeunes Agriculteurs, quel est votre sentiment à ce sujet ?
Je dois avouer que je suis un peu confus. Il y a des personnes de 67 ans qui appartiennent à un syndicat, la Coordination rurale pour ne pas le nommer, et qui ont posé leur candidature aux Jeunes Agriculteurs. Est-ce une manière de redevenir jeunes ? Si c’est le cas, j’aimerais bien en profiter moi aussi. Mais plus sérieusement, je ne comprends pas la stratégie de Jean-Baptiste Arena. L’adhésion est bien sûr libre, mais il faut répondre aux critères du syndicat. Alors, est-ce que les critères en pleine campagne électorale sont de se présenter contre ce syndicat ? Je ne comprends vraiment pas cette stratégie…