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En Corse, un séminaire sur le biocontrôle pour une agriculture plus durable


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Vendredi 21 Mars 2025 à 18:46

Travailler à des solutions de protection des cultures plus respectueuses de l’environnement : c’était l’objectif du séminaire organisé par l’INRAE à San Ghjulianu, les 18 et 19 mars. Deux journées d’échanges entre chercheurs, producteurs et entreprises pour renforcer la coopération autour du biocontrôle en Corse.



En Corse, un séminaire sur le biocontrôle pour une agriculture plus durable

Plus de quatre-vingts personnes avaient fait le déplacement pour participer à ces deux jours de séminaire organisés dans le cadre du plan Ambition Corse, « conçu pour structurer et renforcer la recherche sur des thématiques agricoles stratégiques en Corse », avec pas moins d’une quinzaine d’intervenants : des chercheurs venus de tous les horizons ; des services techniques de développement – comme l’Association nationale des producteurs de noisettes « qui développe un programme de lutte biologique très intéressant », explique Christian Lannoux, directeur scientifique adjoint à l’INRAE et à l’origine de l’événement, l’Association de recherche et d'expérimentation sur fruits et légumes en Corse, ou encore Frais’Nat, spécialisé dans les fraises et qui produit des insectes dans le cadre de la lutte biologique – ; enfin, des entreprises – comme Agriodor, qui travaille sur les odeurs, les composés volatils, ou encore la toute jeune start-up Innofenso, qui développe des macro-organismes.

Étaient également présents les différents acteurs du monde de l’agriculture corse : les filières – châtaignes, huile d’olive, viticulture, agrumes… – la Chambre d’agriculture, l’ODARC, la FREDON – chargée de la surveillance et de la protection des cultures –, le SIDOC – Syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse… Dans le public, un groupe d’étudiants de la première promotion d’ingénieurs agronomes de l’Université de Corse, « s’est montré très intéressé. Ils ont pris beaucoup de notes », s’est réjoui Christian Lannoux. Les agriculteurs étaient, en revanche, moins nombreux qu’attendu : quelques viticulteurs ou producteurs d’agrumes. « Mais ils n’ont pas beaucoup de temps… Et c’était une journée scientifique, surtout la première partie », relativise Christian Lannoux.

Des techniques biologiques pour vaincre insectes et maladies
La thématique concernait le biocontrôle et la lutte biologique : comment, notamment, des insectes auxiliaires que l’on apporte volontairement vont-ils pouvoir réguler d’autres insectes qui, eux, sont des ravageurs ? La Corse connaît bien cette problématique, et plusieurs exemples ont été présentés : ainsi, le Cynips du châtaignier, qui a sévi chez nous entre 2010 et 2020, a fait trembler la filière jusqu’à ce que l’introduction d’un de ses prédateurs permette de réguler sa population. « On est arrivé à limiter ces populations de Cynips, et maintenant, ce n’est plus un problème pour le châtaignier. Aujourd’hui, on cherche des insectes pour réguler la punaise diabolique », un autre envahisseur qui s’attaque aux cultures corses.

Une autre technique de lutte biologique dite « par conservation » consiste à préserver la biodiversité naturelle, puisque dans cette diversité se trouvent des insectes qui, naturellement, « vont réguler les ravageurs de culture en évitant les proliférations ». Bref, il s’agit ici de favoriser les insectes bénéfiques.

Les ravageurs ne sont pas toujours des insectes, mais parfois des bactéries, comme celles qui provoquent une maladie dévastatrice pour les agrumes : le HLB. « Nous cherchons à anticiper son arrivée en Corse ». L’objectif, c’est d’être prêt à temps. Parfois, ce sont également des champignons, comme le chancre du châtaignier. La lutte biologique passe alors par l’inoculation à la souche virulente d’une souche de chancre rendue « hypo-virulente » car elle-même infectée par un virus. Le virus, transmis à la souche virulente, va l’affaiblir : le châtaignier pourra cicatriser.

Les présentations des centres techniques ont complété cette dimension scientifique en montrant comment, de façon opérationnelle, ces derniers ont développé eux-mêmes des capacités de production pour fournir les producteurs en insectes auxiliaires.

Enfin, des entreprises ont présenté comment elles avaient été en mesure de créer, à coups d’innovations, des produits finis, directement utilisables par les agriculteurs : « C’est très technique ». Ainsi, Agriodor produit-elle par exemple des… odeurs ! Car c’est à l’odeur, contrairement aux humains, que se repèrent les insectes. Maîtriser ces odeurs permet donc à loisir de les attirer, de les repousser, de les perturber ! Bref, de contrôler leur comportement. « L’entreprise a formulé un produit, avec des composés odorants qui ont des rôles complémentaires, dans des granulats qui sont répandus dans une parcelle, comme un engrais, et qui libèrent les odeurs au cours du temps ! » Recherche, centres techniques et entreprises représentent ainsi, en quelque sorte, trois niveaux complémentaires.
 


En Corse, un séminaire sur le biocontrôle pour une agriculture plus durable

​Anticiper, prouver, renforcer les collaborations
Les ateliers qui ont clôturé le séminaire ont enfin permis de faire travailler l’ensemble des participants sur les besoins des différentes filières en termes de biocontrôle. Avec un double objectif : préparer les futurs travaux de recherche et également « organiser les interactions entre la recherche et les filières ». D’autant que la Corse présente une spécificité par rapport aux autres régions : « Elle est aux avant-postes des invasions biologiques. Elle est donc en position de fragilité. Il faut savoir détecter très vite ce qui se passe et réagir. »
Sans surprise, ce point a été mis en exergue par les échanges en ateliers : un besoin d’anticipation souligné par les participants. Tout comme, aussi, la nécessité d’être en mesure d’apporter aux agriculteurs des références solides, chiffrées et documentées, à l’appui des techniques proposées, pour en prouver l’efficacité.

Enfin, un dernier point est ressorti : « La nécessité de travailler ensemble, de ne pas raisonner filière par filière, mais collectif, en évitant l’effet “silo” ». D’autant que certains ravageurs – comme la punaise diabolique – ne font guère de différences entre les espèces qu’ils attaquent !

Les participants ont apprécié ce moment de partage d’expériences, rassemblant recherche, structures de développement et entreprises, avec le souhait que ce type d’expérience soit reconduit dans l’avenir.


En Corse, un séminaire sur le biocontrôle pour une agriculture plus durable