Le FLNC renaît-il de ses cendres ou une nouvelle génération s'approprie-t-elle le sigle ? Peu importe ; ce qui compte, c'est que, comme on le sentait venir, certains nationalistes jugent que les conditions sont réunies pour qu'un mouvement clandestin trouve à nouveau sa place dans un paysage corse déjà bien tourmenté.
« La Corse n'est pas une région, c'est un cas », ainsi parlait le ministre Olivier Guichard en 1976, lors de la naissance de l'organisation, sans savoir à quel point il avait raison. Après Aleria, et la dissolution de l'ARC, on avait vu apparaître dans le bouillonnement contestataire des mouvements éphémères de remplacement, comme le Front paysan corse de Libération (FPCL) ou l'APC (Association des Patriotes Corses). Le FLNC, qui se définissait comme « dernière étape de dix ans de lutte », allait théoriser la pratique et la structurer militairement, une condition de durée indispensable et une présence sur le territoire dont on n'a pas fini de mesurer les effets, avant les aléas meurtriers des luttes intestines, les dérives mal maîtrisées et enfin un dépôt des armes qui tenait compte des réalités du moment.
Aujourd'hui, il est encore trop tôt pour juger de ce qu'est la résurgence annoncée d'un bras armé de la revendication indépendantiste, de son importance, voire de sa réalité même en termes de longévité. Le premier FLNC auquel se réfère le nouveau voulait « débarrasser le pays de toutes les formes d'exploitation. » On est loin de cet objectif sur l'île, où les exploiteurs ne sont pas tous des méchants colons...
Après l'étape ultime de 1976, l'étape nouvelle donc, et un retour à la virginité des sources, sans – peut-être – de « vitrine légale » à quoi s'adosser.
Réécrire l'histoire
Les clandestins d'aujourd'hui visent la spéculation immobilière et mettent en garde les acheteurs de biens (en oubliant que, pour qu'il y ait des acheteurs, il faut qu'existent des vendeurs), mais surtout, sur un plan plus politique, ils décernent un satisfecit réservé à leurs élus. Ce regard porté sur l'action publique n'est pas un hasard. Les radicaux ont toujours voulu accompagner, ou orienter, l'action des légalistes. Ceux-ci donneraient l'impression d'abdiquer des pans de souveraineté face au pouvoir central, de faire preuve de mollesse dès lors que l’État hausse le ton.
Pour les « historiques », le postulat est clair : le pouvoir central ne prend en compte ce que dit la Corse que lorsqu'elle fait peur – et il est arrivé que les événements leur donnent raison. Le droit à la différence, cet assemblage complexe entre « la citoyenneté française et la nationalité corse » (comme on disait il y a 40 ans...) , est d'autant moins reconnu que l'île est confondue dans l'anonymat des régions.
Cela dit, l'histoire peut-elle se réécrire à l'identique, après une parenthèse de plusieurs décennies ? Assurément non, et sans se référer à la géopolitique ou à la mainmise européenne sur le destin des peuples... Dans le cadre strictement insulaire, le clan, supposé complice des instances parisiennes, a cédé la place. Il a été remplacé par une coalition où les nationalistes sont partie prenante, dans un équilibre que l'on sait fragile. Pour ceux qui ont en charge les affaires de la Corse, le désordre, la violence et l'illégalité sont des handicaps considérables, qui se paient en mettant à mal l'efficacité gestionnaire et l'image électorale. Un risque qu'auront à mesurer les nouveaux clandestins s'ils envisagent de porter la lutte sur le terrain.