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Inondations en Espagne : "Une véritable leçon d'humanité", témoigne François, étudiant bastiais à Valence


JC le Vendredi 8 Novembre 2024 à 14:45

Le 29 octobre, des pluies diluviennes ont frappé la région de Valence, plongeant la région dans une catastrophe sans précédent. François Casamatta, un jeune Bastiais étudiant sur place, raconte l'ampleur de la destruction et l'incroyable solidarité qui a émergé dans l'urgence.



François de bout
François de bout
Le 29 octobre, la région de Valence vivait une soirée apocalyptique. Des pluies torrentielles se sont abattues sur la ville, déchaînant des torrents de boue et submergeant en quelques heures une grande partie de la région. L’épicentre des inondations, la commune de Paiporta, a été frappé de plein fouet par des murs de boue de plus de deux mètres de haut, emportant tout sur leur passage. Les pertes humaines restent incertaines, et le bilan est déjà tragique. François Casamatta, un jeune Bastiais étudiant Kiné à Valence, témoigne d'une expérience qui a marqué sa vie.

Une soirée ordinaire qui tourne au cauchemar
"Je vis à Valence en centre-ville depuis quatre ans et jamais je n'ai connu de pluie aussi violente", raconte François. Le 29 octobre, la pluie tombe en intensité, mais rien ne laissait présager ce qui allait se passer. "À partir de 18h, je sens que quelque chose cloche, mais de mon appartement, je ne vois rien d'anormal. Pourtant, je reçois des vidéos montrant déjà de graves dégâts." Une heure plus tard, la situation dégénère rapidement. "Un torrent de boue détruit une partie de l'autoroute. C'était incroyable, très stressant. À ce moment-là, on reçoit tous une alerte de la Protection Civile, conseillant de rester chez soi et à l'étage. Je prends enfin conscience du danger, mais je ne pouvais pas imaginer une telle ampleur."

Ils sont 12 Corses qui étudient là-bas "certains de mes amis sont rentrés en Corse pour la Toussaint, mais dès le mercredi tout était impraticable, ni métro, ni taxi, alors je suis resté et c'était ma volonté parce que il fallait que j'aille aider les sinitrés. Mais comment aider, quand c'est partout le chaos, et que nos moyens sont dérisoires ?" La lente réaction des autorités et la colère grandissante
Rapidement, François s'est mis au travail comme les volontaires qui arrivaient des quatre coins du pays. Le Bastiais et ses amis, équipés de bottes, gants et masques en raison des risques sanitaires liés à la boue, se mettent à aider comme ils peuvent. "La tâche était titanesque. À certains endroits, la boue a atteint 4 mètres de hauteur. C'était épuisant", explique-t-il. Dans les rues, une solidarité spontanée émerge, avec de nombreux étudiants présents sur les points de collecte. "Rapidement, il s'est mis en place des points de collecte, beaucoup d'étudiants étaient présents. J'ai assisté un couple avec un enfant en bas-âge qui a tout perdu, je n'oublierais pas cette femme qui pleure avec son bébé dans les bras, elle n'avait même plus de quoi le changer. Nous étions un petit groupe de 10 à dégager la boue, tirer les meubles pour soutenir les personnes impactées. Mais, certains endroits autour de Valence sont inaccessibles pour nous. J'ai quand même réussi à aller à Paiporta, là c'est un désastre, sans parler des pertes humaines qui sont trop nombreuses."

À mesure que les secours se déploient, la colère de la population se fait sentir. "Lorsque le couple royal est venu sur place, les gens ont hué le roi. Ils criaient : 'Vous êtes protégés, mais nous, on n'a aucune sécurité.' La colère est palpable." Pour François, les lenteurs administratives et politiques sont évidentes : "Il semble qu'il y ait eu une guéguerre politique entre le président de la commune de Valence et le premier ministre, ce qui a exacerbé la situation." Mais, malgré cette frustration, l'urgence est d'abord d'aider. "Les Espagnols disent qu'après, ils régleront les comptes. Pour l'instant, il faut sauver ce qui peut l'être."

Dix jours après : un bilan contrasté
Dix jours après la catastrophe, François dresse un constat partagé entre l'horreur et l'espoir. "La solidarité est impressionnante. Il y a une unité exceptionnelle, au-delà des différences ethniques et religieuses. Tout le monde aide, main dans la main." Des produits de première nécessité arrivent par vagues, et les médecins, les kinésithérapeutes et les volontaires sont sur le terrain pour apporter leur soutien. "Nous avons organisé nos efforts en groupes. Un jour on aide, le lendemain un autre groupe prend le relais, car c'est épuisant. Il y a un échange très humain, les sinistrés nous remercient et nous offrent de l'eau et de la nourriture."

Le jeune étudiant souligne également la dure réalité sur le terrain : "Cinq litres d'eau et de boue se sont déversés par seconde. Evacuer tout ça, c'est un travail immense." L'armée a été déployée pour dégager les voitures et les débris, mais malgré tous les efforts, certains endroits restent inaccessibles. "La ville est méconnaissable. C'est comme si on vivait à nouveau le premier confinement de la Covid, mais avec cette fois une tragédie en toile de fond."

Au-delà du chaos, François retient surtout la force de la résilience. "Ce que j'ai vu ici, c'est une véritable leçon d'humanité. Les pertes humaines sont terribles, mais cette solidarité incroyable me donne de l'espoir. Pour reconstruire, il faudra des mois, voire des années, mais la résilience des gens est un moteur puissant. J'ai appris qu'en un instant, tout peut basculer, et que face à une telle situation, nous sommes tous vulnérables."