Corse Net Infos - Pure player corse

Le cri de colère de Maître Anna-Maria Sollacaro : "On va juger un mort-vivant"


Julia Sereni le Vendredi 30 Avril 2021 à 18:49

Michel Cazalas, poursuivi pour des faits criminels et incarcéré à Borgo depuis décembre 2018, est atteint d’un cancer en phase terminale. Malgré les demandes répétées de son avocate, Maître Anna-Maria Sollacaro, la chambre d’instruction de Bastia refuserait sa remise en liberté afin qu’il puisse bénéficier de soins palliatifs.



Le cri de colère de Maître Anna-Maria Sollacaro : "On va juger un mort-vivant"
« Dans quelques jours, on va juger un mort vivant ! » Maître Anna-Maria Sollacaro n’en décolère pas. Son client, Michel Cazalas, poursuivi pour le meurtre d’Arnaud Girard en 2018 et incarcéré à Borgo, est atteint d’un cancer du foie en phase terminale. Malgré son état de santé, la chambre d’instruction de Bastia refuserait sa remise en liberté, demandée par ses conseils afin qu’il puisse être soigné dans un hôpital.

Pronostic vital engagé

 Pourtant, Maître Anna-Maria Sollacaro assure avoir fait toutes les démarches nécessaires. « Dès l’été 2020, j’ai demandé deux expertises médicales avant de se prononcer sur une éventuelle remise en liberté, on m’a répondu non. » Avec ses confrères Maîtres Dominique Paolini et Paul Sollacaro, ils parviennent néanmoins à faire transférer leur client à l’Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale (UHSI) de Marseille, où il restera jusqu’en mars dernier.
 
Puis Michel Cazalas rentre en Corse, à Borgo, afin de préparer son procès devant les Assises de Corse-du-Sud, prévu du 17 au 19 mai prochains. « Je suis allée le voir en avril et je l’ai trouvé amoindri. Le lendemain, je suis appelée par la directrice de la maison d’arrêt. Je tiens à souligner que je suis tombée sur une pénitentiaire extraordinaire, à l’humanité sans limites. Elle m’a fait remonter un certificat médical indiquant que le pronostic vital de mon client était engagé ». C’était le 12 avril.

« Si l’hôpital n’est pas en mesure de le garder, Borgo encore moins ! »

Maître Anna-Maria Sollacaro saisit alors la chambre d’instruction de Bastia d’une requête en saisine directe. « On m’audience le 28 avril. Deux semaines de perdues ! On n’a pas pris la mesure de la gravité de la situation » déplore t-elle. Son client est hospitalisé d’urgence à Bastia. Mais au bout de 24 heures, l’hôpital rappelle. L’homme est en fin de vie, il a besoin de soins palliatifs et ne peut être gardé sur place, en raison de la crise sanitaire. « Si l’hôpital n’est pas en mesure de le garder, Borgo encore moins ! » lance Maître Sollacaro.
 
Le 28 avril, jour de l’audience, elle reçoit un certificat médical « où il est précisé que l'état de santé de Monsieur Cazalas est incompatible avec la mesure d’incarcération ». L’avocate présente ses arguments. « On me dit que les certificats médicaux ne sont pas étayés, on m’oppose que j’aurais pu demander des expertises médicales… De qui se moque t-on ? ». Par ailleurs, la famille n’a pas été en mesure de produire une adresse. « Mais je ne peux pas garantir qu’un hôpital va lui garder un lit dans la situation sanitaire que l’on connait ! » s’agace Anna-Maria Sollacaro.

Une nouvelle audience le 5 mai

Deux jours plus tard, la décision est rendue, et elle est défavorable. « C’est inaudible pour des gens normaux animés d’humanité. L’arrêt est proprement inhumain, il m’oblige à ressaisir cette chambre. » Une nouvelle audience aura donc lieu le 5 mai. « J’y vais avec un nouveau certificat médical disant qu’il est inopérable et atteint d’un cancer incurable ».
 
« En gros, on nous dit que Monsieur Cazalas est peut-être malade, mais il est coupable. Or je rappelle qu’il bénéficie de la présomption d’innocence. Aujourd’hui, il est dans l’incapacité totale de s’exprimer et de se mouvoir. S’il lui arrive quoi que ce soit et que je suis obligée d’expliquer à la famille pourquoi on a laissé mourir cette personne, j’en tirerais toutes les conséquences » prévient Maître Sollacaro.