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« Le risque d’être assassiné en Corse est six fois plus élevé qu’en Sicile »


le Mercredi 22 Janvier 2025 à 20:33

Alors que le mois de janvier n'est pas encore terminé, deux assassinats ont dejà frappé la Corse en ce début 2025. Les derniers en date d'une longue série qui place la Corse parmi les territoires européens où le taux d'homicides pour 100 000 habitants est le plus élevé.



(Photo : Archives CNI)
(Photo : Archives CNI)
Lundi soir, Dominique Colombani, 26 ans, était assassiné devant chez lui à Calenzana. Le 10 janvier, c’est Camille Orsoni, un pompier d’une cinquantaine d’années, qui était abattu sur la commune d’Oletta, après avoir déjà fait l’objet d’une première tentative de meurtre en 2014. Deux assassinats dans les premiers jours de 2025, qui ne font que s’ajouter à une longue liste sanglante. En 2024, ce sont en effet 17 homicides dont cinq règlements de compte et 16 tentatives d’homicides qui ont été recensés, selon des chiffres que la préfecture a récemment communiqué à l’AFP. En 2023, la Corse avait également connu 11 homicides et deux tentatives d’homicides. Ces assassinats qui ne sont bien entendus pas tous liés aux dérives mafieuses qui gangrènent l’île, et les chiffres restent bien inférieurs à ceux de la Guyane ou de Mayotte. Pourtant, avec un taux de 3,7 homicides pour 100 000 habitants en 2023, la Corse s’affiche comme la région la plus criminogène de France. Marseille et ses multiples règlements de compte liés aux trafics de stupéfiants caracolant par exemple tout juste à 2,6 homicides pour 100 000 habitants. 
 
Maitre de conférences à l’Université de Corse et ancien directeur de cabinet du président de l’Assemblée de Corse Jean-Talamoni, Sébastien Quenot a eu la curiosité de comparer les chiffres des homicides perpétrés en Corse avec ceux d’autres territoires européens et méditerranéens souvent pointés du doigt pour leur fort taux de criminalité. Une compilation de données dont les résultats font ressortir la Corse comme une anomalie. « À titre de comparaison on recense 5,2 homicides pour 100 000 habitants en Lettonie, 2,9 en Irlande du Nord, 2,5 en Lituanie, 1,5 en France, 1,07 en Sardaigne, 0,62 en Sicile, 0,5 en Communauté autonome basque, 0,5 en Italie, Suisse, Norvège et Slovénie, 0,27 en Toscane, 0,2 en Irlande et en Allemagne », détaille l’universitaire en commentant : « Nous sommes quasiment en tête en Europe, à part la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie qui sont un peu devant nous. On croit encore que la Corse est plus sûre que le reste du monde, mais le risque d'y être assassiné est six fois plus élevé qu'en Sicile. Le plus surprenant est d’ailleurs de voir que la Sicile est derrière nous, alors qu’elle semble condamnée à être représentée comme un endroit où la fatalité des homicides pèse sur la société. Or on voit qu’on est à un niveau qui est six fois inférieur à la Corse ».
 
Un constat alarmant, qui n’est malheureusement pas nouveau. En 2012, alors que près de 330 personnes avaient été tuées sur l’île en trente ans, la Corse affichait déjà le taux de meurtre par habitant le plus élevé d’Europe.  Au point qu’au chapitre des faits divers, les assassinats semblent presque devenus des banalités qui suscitent rarement une véritable émotion dans la société civile insulaire. Pis l’impunité règne, peu d’entre eux ayant été élucidés. Des éléments alarmants qui n’ont pour autant pas trouvé de solution depuis des années. Et ce malgré une certaine volonté des élus et de la société civile. En 2011, alors qu’il était président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini avait engagé un premier travail sur la violence, instituant même une commission, dont les quatre années de travaux avaient été unanimement saluées, mais peu suivies d’effets. Après l’assassinat de Massimu Susini à Cargèse en 2019, deux collectifs anti-mafia s’étaient également constitués et œuvrent depuis à faire reculer l’emprise de ces groupuscules en appelant à un sursaut collectif. En outre, une première session de l’Assemblée de Cors consacrée aux dérives mafieuses avait été organisée fin 2022 et avaient mis en place des ateliers de travail dont la synthèse doit être présentée lors d’une session spéciale prévue le 27 février prochain et pourrait enfin donner lieu à des mesures concrètes. Et puis au niveau national, de récents textes à l’instar d’une proposition de loi qui sera portée devant le Sénat le 27 janvier prochain devraient aussi permettre de mieux armer le système législatif pour enfin combattre le mal. « Ce qui est intéressant en comparant les chiffres, c’est que l’on s’aperçoit qu’on toujours peut agir. Surtout lorsque l’on voit qu’en Sicile la mafia ne tue plus », glisse Sébastien Quenot.