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Législatives. Jean-Baptiste Arena : « Un parti français est en train de se mettre en place en Corse »


Nicole Mari le Mardi 2 Juillet 2024 à 17:49

L’accession des quatre candidats du Rassemblement national au 2nd tour des élections législatives en Corse et le désistement de la candidate RN dans la deuxième circonscription de Haute-Corse en faveur du candidat LR ont provoqué un choc salutaire dans la famille nationaliste. Le maire de Patrimoniu, conseiller territorial Core in Fronte, Jean-Baptiste Arena, qui appelle depuis des mois à l’union de tout le mouvement national, affirme que c’est le seul chemin possible. Il explique à Corse Net Infos que ce raz-de-marée RN est l’un des effets pervers du choc démographique par solde migratoire qui provoque un changement du corps électoral. Il appelle les Corses à se ressaisir pour éviter un scénario à la Kanaky.



Jean-Baptiste Arena, maire de Patrimoniu et conseiller territorial Core in Fronte. Photo CNI.
Jean-Baptiste Arena, maire de Patrimoniu et conseiller territorial Core in Fronte. Photo CNI.
- Comment réagissez-vous à cette vague RN. Vous a-t-elle surpris ?
- Non ! Cela fait plus d’un an que je préviens toute la famille nationaliste, quelque soit la tendance, d’A Manca Naziunale à Nazione, PNC, Femu et bien entendu Core in Fronte, et même les Nationalistes hors structure, qu’il y a une véritable lame de fond, un changement du corps électoral et de la démographie. L’apport démographique entrant, continu depuis 20 ans, fait qu’aujourd’hui un parti français est en train de se mettre en place en Corse. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter ! Cette vague démographique a bouleversé les équilibres, notamment sociétaux, elle met même en danger ce que nous représentons en tant que peuple. La Corse a toujours accueilli tout le monde quand ces gens venaient partager ses joies et ses peines. À l’heure actuelle, on ne peut plus absorber le flux des arrivants et surtout les intégrer. En 20 ans, c’est comme si la France avait absorbé 25 millions de personnes, un tiers de sa population. Aucun pays sur la planète n’aurait pu absorber une telle démographie ! Nous l’avons fait ! Et c’est bien aujourd’hui le problème ! La Corse a besoin de se mettre en jachère démographique.
 
- Pour vous, ce problème démographique engendre un problème politique ?
- Ces arrivants brassent un mouvement de fond qui vient de leur pays d’origine, qui n’est pas le nôtre. Malheureusement, nous allons droit vers un choc politique et sociétal dans les années qui viennent. Peut-être pas pour les municipales qui se profilent dans deux ans, mais certainement pour les municipales dans huit ans où les courants dits traditionnels de droite et de gauche et le courant de la famille indépendantiste et autonomiste vont être débordés. Cette élection législative prouve que c’est déjà le cas. Il n’y aura plus le clivage politique comme nous le connaissons depuis un quart de siècle entre la droite, la gauche et le mouvement national, mais plutôt un affrontement à la Kanaky.
 
- Ce scénario à la Kanaky, craigniez-vous qu’il s’impose en Corse ?
- Je le crains ! Ce choc démographique est le prélude d’évènements graves qui pourraient surgir dans les années qui viennent, si nous ne sommes pas tous à la hauteur des enjeux. Nous allons être noyés démographiquement, ce qui aura, comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, des conséquences graves au niveau de la pression spéculative, de la captation des richesses et d’une économie qui ne bénéficiera plus à notre pays. Notre jeunesse ne pourra pas accepter ce qu’il se passera, à savoir une véritable dépossession de son foncier, de sa langue et de sa culture. Contrairement à ce que certains disent, nous n’allons pas être noyés par des vagues venues du Sud, de l’Ouest ou de l’Est de la Méditerranée, mais bien des vagues venues du Nord. Avec un gouvernement RN au pouvoir en France, cela risque de s’accélérer. De nombreux élus RN considèrent encore aujourd’hui la Corse comme une véritable colonie.
 
- Etes-vous en train dire que la fameuse communauté de destin va laisser place à un affrontement entre communautés ?
- Comme nous sommes débordés démographiquement par ce flux migratoire, nous ne sommes plus en capacité de fabriquer des Corses, d’assimiler et d’intégrer des gens, même ceux qui arrivent dans un bon état d’esprit. Du moment qu’on ne peut plus intégrer ces gens, c’est nous Corses qui allons être désintégrés ! Nous allons tout droit vers des ghettos, notamment dans le périurbain bastiais et ajaccien. Un communautarisme va se mettre en place avec deux communautés qui vont totalement s’ignorer et surtout qui n’auront pas les mêmes codes de valeur et de vie en société. C’est le plus grave ! Quand des gens n’ont pas les mêmes codes et qu’il n’y a pas eu deux ou trois générations d’assimilation, cela peut déboucher sur des conflits durs.
 
- La famille nationaliste n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans la montée du RN, à la fois par sa désunion et par le fait qu’elle a ignoré cette population-là ?
- Il est certain que par sa désunion, la famille nationaliste a envoyé un message négatif à son peuple. Des nationalistes ou simplement des Corses ont pu se sentir trahis et écœurés par le fait que nos querelles internes prennent le dessus sur des enjeux vitaux pour le peuple corse. C’est à nous d’être à la hauteur de l’histoire et de nous montrer responsables et matures. Si nous continuons dans cette voie, que ce soit d’un point de vue démographique, politique ou économique, il n’y aura plus rien à sauver d’ici à deux décennies. Nous voyons bien à travers les candidats choisis par le Front National, qui viennent de mettre les pieds en Corse pour certains et pour d'autres, qui n’y habitent même pas, que le problème ne se posera plus en termes de gauche, droite ou nationaliste, mais véritablement en termes de colons et de colonisés. Nous allons peut-être être confrontés à de futurs élus locaux, qui n’auront aucun lien viscéral, culturel, cultuel et patrimonial avec notre terre, qui ne connaissent rien à notre histoire et ne s’en préoccuperont même pas. Pour certains de ces nouveaux arrivants, la Corse est un bout de France comme un autre.
 
- La montée du RN en Corse est-elle l’échec du mouvement national ?
- Elle est certainement dû aussi à l’échec de notre famille politique, toutes tendances confondues, je m’y inclus. Nous n’avons pas été à la hauteur de l’histoire. Il est grand temps de faire un Aggiornamento de ce que nous sommes et de ce que nous voulons pour demain. Il est temps surtout écouter notre jeunesse qui appelle à l’union depuis des mois.
 
- L’accession des 4 candidats RN au 2nd tour des législatives a provoqué un choc salutaire. Cette union électorale entre nationalistes survivra-t-elle à l’élection ?
- J’en suis certain. Nous allons réussir à créer une plate-forme de convergence afin que chacun puisse faire respecter à la fois ce qu’il est, ses idées, et même ses divergences, mais tout en étant unis lors des prochaines échéances électorales. La famille nationaliste a toujours gagné de manière unitaire et perdu quand elle était désunie. J'ai toujours prôné l'union de tout le mouvement national, sans exclusion. Pour moi, c’est le seul chemin possible. Cette législative le prouve de manière évidente et forte. Quelques soient les rancoeurs, il est temps de tourner définitivement la page des divisions qui souvent ont été écrites par le passé en lettres de sang. Il est temps aujourd’hui pour les générations futures de la remplacer par une feuille blanche pour qu’on puisse écrire cette nouvelle page d’histoire avant que nous n’allions vers une catastrophe annoncée. Sinon ce sera véritablement le crépuscule de notre peuple, et cela bien attendu, nous ne l’accepterons pas.
 
- Lancez-vous un appel ?
- Oui ! Ce n’est pas l’homme politique qui parle, mais le militant culturel, cultuel et agricole, j’appelle à voter bien entendu pour les quatre députés sortants. L’heure est plus que jamais à l’unité nationale. C’est le seul mot d’ordre pour dimanche.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.