Le ministre de l'intérieur Manuel Valls a tenu une conférence de presse ce matin la préfecture d'Ajaccio. Peu ou pas d'éléments concrets ont été divulgués. (Photo: Marilyne Santi)
Si certains attendaient de la part du ministre de l’intérieur des propositions concrètes et des réponses claires sur les moyens que compte engager l’Etat dans la lutte contre la criminalité et les assassinats en Corse, ils en auront été pour leurs frais. Manuel Valls, arrivé ce dimanche en Corse et présent jusqu’à demain, a tenu une conférence de presse à la préfecture d’Ajaccio, après s’être préalablement rendu dans l’enceinte de la citadelle pour un hommage aux résistants corses dans l’histoire.
Volet économique : la Corse progresse…
En substance, malgré presque une heure de discours, peu d’éléments concrets ont été dévoilés par le ministre concernant la stratégie de l’Etat dans la lutte contre la grande criminalité en Corse. « Ce déplacement de 2 jours est un déplacement républicain, logique, presque normal du ministre de l’intérieur en Corse. Cette Corse profondément française qui occupe toute sa place au cœur de la République » a ainsi débuté le ministre.
Puis il a évoqué la question de l’économie et du développement insulaire, sans doute pour tenter de rappeler que la Corse, ce n’est pas "que" des assassinats et des drames. « L’île connaît un rattrapage économique concret. En 12 ans, elle est passée du 16è au 12è rang des régions françaises par rapport au PIB par habitant » a-t-il affirmé avant de poursuivre en soulignant que « la Corse s’inscrit dans un modèle de développement raisonné. 30% des énergies renouvelables produites en France le sont en Corse ».
Pour clore le chapitre économique (lequel à vrai dire n’était pas celui qui suscitait le plus d’attention de la part des nombreux journalistes présents), Manuel Valls a abordé l’aspect des chiffres et du budget consacré par l’Etat pour la Corse. « Le premier ministre m’a chargé de préparer la 3è convention du PEI (Plan exceptionnel d’investissement). Rappelons que 1,3 milliards ont déjà été consacrés par l’Etat et que ce sont 537 millions d’euros qui sont prévus pour la nouvelle convention » a-t-il annoncé.
Vidéosurveillance et renfort de 40 policiers et gendarmes pour début 2013
Puis est venu le moment d’aborder l’épineux sujet de la criminalité et des assassinats dans l’île, qui explosent ces dernières semaines. Sur ce point, le ministre de l’intérieur, plutôt détendu contrairement à sa précédente visite, n’a pas vraiment fait d’annonces ni de propositions concrètes. Passant complètement à côté de la question du très faible (pour ne pas dire inexistant) taux d’élucidation des affaires criminelles par les services spécialisés de la JIRS de Marseille, Manuel Valls s’est limité à réaffirmer l’engagement de l’Etat dans la lutte contre la violence en général et les assassinats en particulier. Avant d’annoncer un (maigre) renfort des forces de police et de gendarmerie, soit 40 hommes qui seront en place en janvier 2013 ainsi que l’intensification de la vidéosurveillance
« La vague actuelle des meurtres appelle à un sursaut et à un résultat »
« Je suis là pour affirmer que le renforcement de la lutte contre les dérives affairistes et la criminalité est plus que jamais la volonté de l’Etat » a-t-il martelé, faisant le parallèle entre le développement économique de certains secteurs qui créeraient des dérives mafieuses dans l’île (le tourisme, la sécurité, le BTP, l’environnement, etc.). « Il faut mettre les entrepreneurs à l’abri des pressions et du racket. Le droit pénal et la Police judiciaire ne suffiront pas. Il faut également exercer une surveillance accrue sur la loi littoral, les marchés publics, les transactions financières qui devront être particulièrement respectés dans le cadre légal » a soutenu Manuel Valls, avant de marteler, main levée, que « la vague actuelle des meurtres appelle à un sursaut et à un résultat ».
Tabou sur le taux quasi nul des élucidations des meurtres
Une lutte de longue haleine, reconnue à demi-mot par le ministre de l’intérieur : « Il faudra du temps pour lutter contre cette criminalité qui investit nombre de secteurs d’activité qui se développent ». Rappelant à l’envi le « soutien sans faille du Président de la République et des membres du gouvernement (avec lui) pour lutter contre cette criminalité », Manuel Valls a toutefois botté en touche sur bon nombre de questions posées par les journalistes, notamment celle du taux d’élucidation des affaires criminelles par la JIRS de Marseille qui est proche de zéro. « Il y a des difficultés pour ceux qui enquêtent sur ces affaires, c’est vrai. Toutefois, les services de la Police Judiciaire ont mis en cause 2686 personnes, 996 d’entre elles ont été écrouées dont 130 pour des homicides divers » s’est défendu Manuel Valls, affirmant que « des enquêtes sont en cours, des procès auront lieu en Corse et sur le continent » et concluant par une formule qu’il a voulu incisive : « La nature du crime organisé, son évolution, ses ramifications sont trop importantes pour ne se contenter que d’un commentaire : mon rôle n’est pas de commenter mais d’agir ! » a-t-il souligné.
« Il faut que la chaîne pénale fonctionne »
Et c’est précisément ce que tout le monde ou presque attend de lui, donc de l’Etat. Et lorsque la question des dysfonctionnements de la justice, le manque de moyens dénoncé par les policiers eux-mêmes, la guerre séculaire entre police et gendarmerie ou encore le déficit d’informations entres les services s’invite dans la conférence, une fois encore le ministre de l’intérieur élude la question et ne commente pas.
A l’image de la note interne du procureur de la République de Bastia, Dominique Alzeari, publiée par nos confrères et qui évoque clairement des dysfonctionnements des services de police, un manque de coordination et d’information. « Dans un Etat de droit, magistrats et forces de l’ordre doivent travailler ensemble et il faut que la chaîne pénale fonctionne, que le travail commun produise des résultats. Je souhaite que l’on s’engage ensemble, que policiers et gendarmes puissent travailler ensemble et que ce travail commun puisse aboutir à des enquêtes conjointes pour gagner en efficacité. Le travail sur le renseignement, sur l’information générale, le renseignement intérieur mais celui de la police et de la gendarmerie doivent être en synergie pour avoir des résultats » a simplement théorisé le ministre sans évoquer de propositions ou de mesures concrètes.
Manuel Valls et Christiane Taubira ensemble lundi à Ajaccio
Peut-être que ces dernières viendront demain, lors de la visite de la ministre de la Justice Christiane Taubira qui entamera sa journée à Bastia avant de rejoindre Ajaccio en milieu d’après-midi où, en compagnie de Manuel Valls, ils devraient évoquer le projet de circulaire politique pénale pour la Corse.
Le ministre de l’intérieur lui, finira la journée de dimanche à Ajaccio par une Réunion de travail et de présentation des moyens et méthodes des services de la Police Technique et Scientifique de la gendarmerie nationale et de la police judiciaire à la base d’Aspretto. Avant de prononcer un hommage au préfet de Corse Claude Erignac à la préfecture d’Ajaccio vers 20 heures.
Yannis Christophe GARCIA
Volet économique : la Corse progresse…
En substance, malgré presque une heure de discours, peu d’éléments concrets ont été dévoilés par le ministre concernant la stratégie de l’Etat dans la lutte contre la grande criminalité en Corse. « Ce déplacement de 2 jours est un déplacement républicain, logique, presque normal du ministre de l’intérieur en Corse. Cette Corse profondément française qui occupe toute sa place au cœur de la République » a ainsi débuté le ministre.
Puis il a évoqué la question de l’économie et du développement insulaire, sans doute pour tenter de rappeler que la Corse, ce n’est pas "que" des assassinats et des drames. « L’île connaît un rattrapage économique concret. En 12 ans, elle est passée du 16è au 12è rang des régions françaises par rapport au PIB par habitant » a-t-il affirmé avant de poursuivre en soulignant que « la Corse s’inscrit dans un modèle de développement raisonné. 30% des énergies renouvelables produites en France le sont en Corse ».
Pour clore le chapitre économique (lequel à vrai dire n’était pas celui qui suscitait le plus d’attention de la part des nombreux journalistes présents), Manuel Valls a abordé l’aspect des chiffres et du budget consacré par l’Etat pour la Corse. « Le premier ministre m’a chargé de préparer la 3è convention du PEI (Plan exceptionnel d’investissement). Rappelons que 1,3 milliards ont déjà été consacrés par l’Etat et que ce sont 537 millions d’euros qui sont prévus pour la nouvelle convention » a-t-il annoncé.
Vidéosurveillance et renfort de 40 policiers et gendarmes pour début 2013
Puis est venu le moment d’aborder l’épineux sujet de la criminalité et des assassinats dans l’île, qui explosent ces dernières semaines. Sur ce point, le ministre de l’intérieur, plutôt détendu contrairement à sa précédente visite, n’a pas vraiment fait d’annonces ni de propositions concrètes. Passant complètement à côté de la question du très faible (pour ne pas dire inexistant) taux d’élucidation des affaires criminelles par les services spécialisés de la JIRS de Marseille, Manuel Valls s’est limité à réaffirmer l’engagement de l’Etat dans la lutte contre la violence en général et les assassinats en particulier. Avant d’annoncer un (maigre) renfort des forces de police et de gendarmerie, soit 40 hommes qui seront en place en janvier 2013 ainsi que l’intensification de la vidéosurveillance
« La vague actuelle des meurtres appelle à un sursaut et à un résultat »
« Je suis là pour affirmer que le renforcement de la lutte contre les dérives affairistes et la criminalité est plus que jamais la volonté de l’Etat » a-t-il martelé, faisant le parallèle entre le développement économique de certains secteurs qui créeraient des dérives mafieuses dans l’île (le tourisme, la sécurité, le BTP, l’environnement, etc.). « Il faut mettre les entrepreneurs à l’abri des pressions et du racket. Le droit pénal et la Police judiciaire ne suffiront pas. Il faut également exercer une surveillance accrue sur la loi littoral, les marchés publics, les transactions financières qui devront être particulièrement respectés dans le cadre légal » a soutenu Manuel Valls, avant de marteler, main levée, que « la vague actuelle des meurtres appelle à un sursaut et à un résultat ».
Tabou sur le taux quasi nul des élucidations des meurtres
Une lutte de longue haleine, reconnue à demi-mot par le ministre de l’intérieur : « Il faudra du temps pour lutter contre cette criminalité qui investit nombre de secteurs d’activité qui se développent ». Rappelant à l’envi le « soutien sans faille du Président de la République et des membres du gouvernement (avec lui) pour lutter contre cette criminalité », Manuel Valls a toutefois botté en touche sur bon nombre de questions posées par les journalistes, notamment celle du taux d’élucidation des affaires criminelles par la JIRS de Marseille qui est proche de zéro. « Il y a des difficultés pour ceux qui enquêtent sur ces affaires, c’est vrai. Toutefois, les services de la Police Judiciaire ont mis en cause 2686 personnes, 996 d’entre elles ont été écrouées dont 130 pour des homicides divers » s’est défendu Manuel Valls, affirmant que « des enquêtes sont en cours, des procès auront lieu en Corse et sur le continent » et concluant par une formule qu’il a voulu incisive : « La nature du crime organisé, son évolution, ses ramifications sont trop importantes pour ne se contenter que d’un commentaire : mon rôle n’est pas de commenter mais d’agir ! » a-t-il souligné.
« Il faut que la chaîne pénale fonctionne »
Et c’est précisément ce que tout le monde ou presque attend de lui, donc de l’Etat. Et lorsque la question des dysfonctionnements de la justice, le manque de moyens dénoncé par les policiers eux-mêmes, la guerre séculaire entre police et gendarmerie ou encore le déficit d’informations entres les services s’invite dans la conférence, une fois encore le ministre de l’intérieur élude la question et ne commente pas.
A l’image de la note interne du procureur de la République de Bastia, Dominique Alzeari, publiée par nos confrères et qui évoque clairement des dysfonctionnements des services de police, un manque de coordination et d’information. « Dans un Etat de droit, magistrats et forces de l’ordre doivent travailler ensemble et il faut que la chaîne pénale fonctionne, que le travail commun produise des résultats. Je souhaite que l’on s’engage ensemble, que policiers et gendarmes puissent travailler ensemble et que ce travail commun puisse aboutir à des enquêtes conjointes pour gagner en efficacité. Le travail sur le renseignement, sur l’information générale, le renseignement intérieur mais celui de la police et de la gendarmerie doivent être en synergie pour avoir des résultats » a simplement théorisé le ministre sans évoquer de propositions ou de mesures concrètes.
Manuel Valls et Christiane Taubira ensemble lundi à Ajaccio
Peut-être que ces dernières viendront demain, lors de la visite de la ministre de la Justice Christiane Taubira qui entamera sa journée à Bastia avant de rejoindre Ajaccio en milieu d’après-midi où, en compagnie de Manuel Valls, ils devraient évoquer le projet de circulaire politique pénale pour la Corse.
Le ministre de l’intérieur lui, finira la journée de dimanche à Ajaccio par une Réunion de travail et de présentation des moyens et méthodes des services de la Police Technique et Scientifique de la gendarmerie nationale et de la police judiciaire à la base d’Aspretto. Avant de prononcer un hommage au préfet de Corse Claude Erignac à la préfecture d’Ajaccio vers 20 heures.
Yannis Christophe GARCIA
Manuel Valls a refusé de s'exprimer sur le taux d'élucidation quasi nul des affaires criminelles en Corse. (Photo: Maryline Santi)
LA QUESTION A : Manuel Valls, Ministre de l’intérieur
Nous avons décidé de poser l’ultime question au ministre, juste avant la fin de la conférence. Une réponse de Manuel Valls, un brin agacé, que chacun appréciera.
- CNI : Monsieur le ministre, vous avez invité récemment « les corses à prendre leur responsabilité » en "parlant", pour sortir de cette spirale mortifère. Aujourd’hui, beaucoup de corses ont répondu "non" à cette requête, même dans l’hypothèse où ils sauraient quelque chose, car ils ont clairement peur pour leur vie. Qu’est-ce que cela vous inspire et quelles mesures concrètes proposeriez-vous pour libérer la parole en garantissant la sécurité ?
- Manuel Valls : (un brin agacé) : « Je sens bien l’amertume et une certaine forme de reproche en général dans la presse et au sein de la population à travers votre question. Je suis clair : la première des responsabilités, c’est celle de l’Etat. Mais la lutte contre cette délinquance nécessite la mobilisation de tous : des élus, des politiques et aussi des habitants. L’économie souterraine en Corse et ailleurs, fait vivre beaucoup de monde.
Je l’ai dit, je prendrai mes responsabilités mais les acteurs politiques et économiques doivent aussi prendre les leurs. Parler dans ces circonstances, ce n’est pas de la délation. Dans la démonstration de cette confiance que j’affiche, certains libèreront peut-être la parole.
Car nous devons être dans la confiance et pas dans la défiance. Je comprends très bien qu’il y ait de part et d’autre une critique de l’Etat. Mais dans cette critique, je perçois une attente, donc une confiance. Et cette confiance, j’en suis conscient, sera longue à revenir.
Malheureusement les meurtres pourront à nouveau se produire, recommencer. Mais c’est par la mobilisation et l’affirmation de l’Etat de droit que nous avancerons et obtiendrons des résultats dans cette lutte ».
Propos recueillis par Yannis Christophe GARCIA
Nous avons décidé de poser l’ultime question au ministre, juste avant la fin de la conférence. Une réponse de Manuel Valls, un brin agacé, que chacun appréciera.
- CNI : Monsieur le ministre, vous avez invité récemment « les corses à prendre leur responsabilité » en "parlant", pour sortir de cette spirale mortifère. Aujourd’hui, beaucoup de corses ont répondu "non" à cette requête, même dans l’hypothèse où ils sauraient quelque chose, car ils ont clairement peur pour leur vie. Qu’est-ce que cela vous inspire et quelles mesures concrètes proposeriez-vous pour libérer la parole en garantissant la sécurité ?
- Manuel Valls : (un brin agacé) : « Je sens bien l’amertume et une certaine forme de reproche en général dans la presse et au sein de la population à travers votre question. Je suis clair : la première des responsabilités, c’est celle de l’Etat. Mais la lutte contre cette délinquance nécessite la mobilisation de tous : des élus, des politiques et aussi des habitants. L’économie souterraine en Corse et ailleurs, fait vivre beaucoup de monde.
Je l’ai dit, je prendrai mes responsabilités mais les acteurs politiques et économiques doivent aussi prendre les leurs. Parler dans ces circonstances, ce n’est pas de la délation. Dans la démonstration de cette confiance que j’affiche, certains libèreront peut-être la parole.
Car nous devons être dans la confiance et pas dans la défiance. Je comprends très bien qu’il y ait de part et d’autre une critique de l’Etat. Mais dans cette critique, je perçois une attente, donc une confiance. Et cette confiance, j’en suis conscient, sera longue à revenir.
Malheureusement les meurtres pourront à nouveau se produire, recommencer. Mais c’est par la mobilisation et l’affirmation de l’Etat de droit que nous avancerons et obtiendrons des résultats dans cette lutte ».
Propos recueillis par Yannis Christophe GARCIA
Hommage au préfet Claude Erignac dimanche soir