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Philippe Tejedor : « 250 personnes sont à la rue en Haute-Corse »


Nicole Mari le Vendredi 30 Novembre 2012 à 23:22

Vendredi matin, Louis Le Franc, préfet de Haute-Corse, a lancé le plan Grand froid pour l’hiver 2012-2013 et co-signé, avec les associations caritatives et les enseignes de la grande distribution présentes dans l’île, une convention d’aide alimentaire en faveur des plus démunis. Des dispositifs vitaux pour les 250 personnes qui sont à la rue dans le département et pour les 5 000 bénéficiaires des denrées fournies par l’Union européenne et les hypermarchés. Explications, pour Corse Net Infos, de Philippe Tejedor, directeur départemental de la Cohésion sociale et de la protection des populations.



Philippe Tejedor : « 250 personnes sont à la rue en Haute-Corse »
- Avez-vous déclenché le plan Grand froid ?
- Le plan Grand froid est déclenché automatiquement, au niveau bas, à partir du 1er novembre et est en veille saisonnière jusqu’au 31 mars. Quelques soient les conditions climatiques, on surveille ce qui se passe. Le stade supérieur est le déclenchement de niveau 2, qui suppose une alerte orange pluie ou neige ou une alerte météo grand froid. Pour l’instant, on ne l’a pas déclenché. On le déclenche quand les conditions sont sensiblement dégradées.
 
- A quel moment exactement ?
- Cela dépend du niveau de température et de froid ressenti. Tous les jours, un relevé de météo France nous prévient en cas de températures négatives. S’il y a du vent, le froid ressenti va être difficile à supporter pour les gens dans la rue. Dans ce cas, on accélère les ouvertures de dispositifs complémentaires pour accueillir des gens dans ces situations exceptionnelles.
 
- En quoi consiste le plan Grand froid ?
- Le plan Grand froid, c’est l’ouverture d’une centaine de places disponibles en permanence pour accueillir des gens qui sont à la rue ou en grande précarité de façon à les mettre à l’abri. Ce sont les maraudes de la Croix Rouge. C’est l’identification des problèmes, l’activation du 115… C’est tout un tas d’éléments que l’on met en place et qui permettent à chacun d’essayer de trouver une solution.
 
- Ces places sont-elles disponibles sur Bastia ou dispersées sur tout le département ?
- Elles sont disponibles essentiellement sur Bastia. Néanmoins, existent quelques disponibilités dans le département. Notamment, le déclenchement d’une alerte de niveau 2 permet d’activer le centre hospitalier de Tattone et des gymnases à Calvi, Corte ou Ghisonaccia qui mettent à disposition des espaces.
 
- Pouvez-vous chiffrer le nombre de SDF dans le département ?
- Nous avons mis en place une structure : le service intégré de l’accueil et de l’orientation (SIAO), qui gère aussi le 115. Son travail consiste à identifier tous les gens qui sont en situation de précarité. Ce service reçoit des tas d’alertes provenant des pompiers, des travailleurs sociaux ou des médecins. Il connaît, en même temps, toutes les disponibilités d’hébergement pour le soir-même. Donc, soit des personnes en situation précaire contactent directement le 115, soit d’autres opérateurs contactent le SIAO. Nous essayons de trouver une solution pour chacun. On estime qu’à peu près, 250 personnes sont quasiment à la rue en Haute-Corse.
 
- Ce chiffre augmente-t-il depuis la crise ?
- Ce chiffre a plutôt tendance à s’aggraver d’année en année à cause d’une arrivée importante et significative de gens qui viennent de pays hors Union européenne (UE), notamment le Maghreb, ou de pays de l’Est appartenant à l’UE, notamment la Roumanie et la Bulgarie.
 
- Notez-vous une dégradation de la situation des résidents corses ?
- Les Français, y compris ceux d’origine corse, représentent environ 11% des gens qui sont à la rue. Ce n’est pas énorme en soi. Les non-nationaux sont souvent en situation irrégulière et, du coup, ne peuvent pas trouver de logement, mais sont, éventuellement, dans un processus où ils restent longtemps en Corse.
 
- Cette présence de SDF nationaux est-elle récurrente ou liée à la crise économique ?
- Elle a toujours été là avec un bruit de fond de gens toujours en précarité et dans la rue. On assiste, cependant, à un phénomène sensible de paupérisation de personnes âgées qui restent dans leur logement ou dans leur maison dans des villages. La précarité s’est également accrue sur d’autres populations aussi fragiles, notamment les malades ou les personnes très jeunes.
 
- Juste 100 lits pour 250 SDF. Y-a-t-il un manque de places ?
- Non. Parmi les SDF, sont comptabilisés, au sens large, des gens qui squattent dans de nombreux bâtiments désaffectés, surtout sur Bastia, ceux qui vivent dans des caravanes ou des cabanes en bois plus ou moins bricolées. Ces gens se mettent à l’abri mais leur situation n’est pas, pour autant, humainement acceptable. C’est un problème de dignité. On ne peut pas les laisser comme ça ! L’idée est de les sortir de ces situations pour les amener progressivement dans un logement décent.
 
- Vous distribuez également de l’aide alimentaire. Comment cela se passe-t-il ?
- L’aide alimentaire procède d’une autre logique. Elle s’adresse à toute population qui est reconnue dans le besoin par les Restos du cœur, par le Secours populaire, le Secours catholique, la Croix Rouge et tous les autres opérateurs qui interviennent sur ce sujet-là. Jusqu’à présent, elle était surtout constituée des aides de l’UE à travers le Plan européen aux plus démunis. Depuis deux ans, nous avons doublé cette aide européenne par un dispositif, au départ assez simple à concevoir, mais qui a été assez long à mettre en place.
 
- Quel dispositif ?
- Il s’agit de récupérer les invendus ou les produits que les grandes surfaces n’ont plus envie, pour différentes raisons, de continuer à commercialiser. Elles les mettent à disposition de l’association Partage qui collecte ces denrées. Dotée d’un camion, d’un réfrigérateur et d’un chauffeur, l’association fait, tous les matins, un ramassage dans les grandes surfaces. Elle organise, ensuite, la répartition des produits collectés aux associations telles que le Secours populaire et la Croix Rouge, qui vont les redistribuer aux plus démunis.
 
- Cette distribution est-elle aussi limitée à la période hivernale ?
- Elle se fait tout au long de l’année, mais doit se caler sur les périodes d’ouverture des associations qui distribuent. Elle est donc liée au calendrier des Restos du Cœur qui sont de gros pourvoyeurs et au Secours populaire, tous deux ont une distribution hivernale. C’est vrai que c’est à ce moment-là qu’il y a le plus besoin de cette aide. Les produits, qui arrivent de l’UE, sont des féculents, des pâtes ou du riz. En grande surface, on récupère des fruits et des légumes qui améliorent l’ordinaire et l’équilibre nutritionnel des bénéficiaires de ces produits.
 
- Quelle quantité de nourriture distribuez-vous par an ?
- On a totalisé 115 tonnes d’aide européenne en 2011 et récupéré 120 tonnes supplémentaires grâce à la convention signée avec les grandes surfaces. On a doublé le tonnage de l’UE et l’on arrive à 220-230 tonnes cumulées entre l’aide européenne et l’aide collectée.
 
- Quel est le nombre de bénéficiaires ?
- De l’ordre de 5000 bénéficiaires sur tout le département.
 
Propos recueillis par Nicole MARI