Ce sont deux décisions fortes attendues depuis un petit moment. La première est celle qui concerne le plus les élus locaux. Un amendement, issu du gouvernement et conservé, confère aux maires de toutes les communes de moins de 50.000 habitants - seules les agglomérations en comptant davantage étaient concernées auparavant - la possibilité de majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. La mesure, anciennement réservée aux communes situées en zone tendue, étend les zonages et permet une augmentation pouvant aller jusqu'à un plafond de 60%.
"Cette mesure vient s'ajouter à celles que nous essayons de mettre en œuvre pour lutter contre la spéculation foncière et immobilière, énonce fièrement Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio. C'est incontestablement un pas dans la bonne direction." L'élu, dont près de 60% des habitations de la commune sont des résidences secondaires, n'a pas l'intention de bouder cette opportunité. "On compte bien analyser, expertiser et vraisemblablement utiliser cette possibilité, bien qu'il reste à l'accompagner de deux autres choses, tempère-t-il. D'abord, faire le distinguo entre les résidences secondaires de gens qui n'ont aucun foyer fiscal ou aucune attache en Corse et ceux qui disposent d'une maison au village et d'une autre en plaine. Et puis, au-delà de cette régulation, construire des résidences principales car il y a un besoin en Corse d'ingénierie et de partenaires qui vont nous aider à massifier la construction de logements publics. On doit nous donner les moyens de concrétiser nos ambitions."
"Contribuer à l'effort communal, une question d'équité"
Même son de cloche 30 kilomètres plus au sud. "C'est une vraie opportunité de pouvoir accroître les recettes sans pénaliser tout le monde, se réjouit Jean-Charles Orsucci, heureux que ce pouvoir soit confié aux maires. Le nombre de maisons secondaires en France est de 10%, en Corse c'est 30% et dans une ville comme la nôtre, 60%. On imagine les gains que cela peut permettre d'obtenir pour nous soulager de tout ce que nous avons à supporter aujourd'hui : l'augmentation du point d'indice pour les fonctionnaires, du coût de l'énergie, du prix dans la construction..." Le maire de Bonifacio ne passe pas par quatre chemins et est déjà dans la quasi-certitude, lui aussi, d'une utilisation à venir de cette surtaxation.
Pour les villages de Haute-Corse aussi, la nouvelle rassure. A l'Île-Rousse, le sujet intéresse les élus en place depuis leur prise de fonction, en 2020. "On avait saisi les parlementaires à l'époque par voie écrite et avec plusieurs rendez-vous sur ce sujet, se remémore la maire, Angèle Bastiani. Ceux qui possèdent des résidences secondaires doivent contribuer à l'effort communal, c'est une question d'équité."
La présidente de l'Agence du Tourisme de la Corse voit comme "une excellente nouvelle" la possibilité d'augmenter la taxation des résidences secondaires, qui représentent 47% des habitations de la commune. "Je songe à l'appliquer de manière sérieuse, peut-être pas au plafond, mais je ne sais pas encore à quel degré, dévoile-t-elle. La manne que ça représente est importante, notamment au vu des problèmes budgétaires qui peuvent être les nôtres. Les villes touristiques font face à une population qui se décuple au moment de la saison estivale mais n'ont comme recettes que celles qui découlent des habitants permanents."
Augmenter les plus-values sur les reventes
Autre mesure ayant survécu au 49.3 et qui s'appliquera particulièrement à la Corse, celle portée par Paul-André Colombani. Le député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud a fait adopter un amendement permettant d'augmenter les taxes sur les plus-values de revente des résidences secondaires à cinq ans.
"Quand vous revendiez votre résidence secondaire, vous aviez un régime fiscal qui devenait favorable à partir de la cinquième année, rappelle Paul-André Colombani. En Corse, on était la seule région de France où on avait détourné l'objet du crédit d'impôt Corse, qui était destiné à notre industrie touristique. Les fiscalistes s'en sont emparés et vous pouviez construire une résidence secondaire mais vous aviez 30% d'abattement pendant cinq années. Avec ces 30%, vous mettiez en location votre bien par AirBnb, en concurrence directe avec nos hôteliers. Et après cette période, vous vendiez la résidence secondaire et vous aviez gagné 30% pour la construction, le Airbnb et le régime favorable pour la revente."
L'aberration a motivé l'élu à persuader ses homologues de défendre sa proposition. "Celui qui est arrivé il y a un quatre ou cinq ans pour faire un placement financier en Corse, moralement, doit faire un effort, argue-t-il. Ça fait monter les prix de l'immobilier et la conséquence est qu'un instituteur n'a plus les moyens de se loger là où il y a 2800 résidences secondaires pour 2400 habitants." L'avantage de ce dispositif serait de ne pas impacter ceux qui ont un projet de vie sur l'île de beauté.