Desserte maritime : pour le PCF "il faut renforcer le service public"
02/10/2020
Le communiqué
La desserte maritime de service public entre la Corse et le Continent est une nouvelle fois remise en cause sous l’injonction de l’omnipotente Commission européenne qui depuis l’Acte unique en 1986 conteste les principes et les fondements républicains de la continuité territoriale.
Dans cette longue entreprise de destruction du service public, les commissaires européens ont pu compter sur la complicité des gouvernements successifs comme des exécutifs de la Collectivité de Corse convertis aux logiques libérales de la "concurrence libre et non faussée". Tous ont vanté les mérites de la déréglementation et de l’ouverture du marché aux opérateurs low cost. Cette politique devait produire de la "respiration commerciale" et "la baisse des tarifs". Nous avons eu la guerre commerciale et la hausse des tarifs.
La fin de la convention de 1976 a ouvert le cycle des appels d’offres et de la mise en concurrence de deux modèles économiques radicalement opposés celui d’un service public fondé sur les principes républicains de solidarité et d’égalité issu du Conseil National de la Résistance et celui de la prestation de service, d’entreprise du privé, fondée sur le moins disant, économique et social, issu du Traité de Maastricht.
En 2001 la Collectivité de Corse organisera dans le cadre de sa compétence, la desserte maritime avec, sur Marseille, ses délégataires SNCM et CMN attributaires du contrat d’exploitation des lignes de service public et de la compensation financière prévue à cet effet et sur Toulon Corsica Ferries France (CFF), bénéficiaire de l’aide sociale devenue rapidement une subvention déguisée d’un montant total de 170 millions d’euros. Ainsi la Collectivité de Corse versait, au concurrent direct de ses délégataires, une prime au dumping social et fiscal, qualifiée de "rééquilibrage" face au "monopole public".
Ce dispositif, unique en son genre et peu économe d’argent public, produira ce pourquoi il était fait : la casse du service public de continuité territoriale. Ce n’est pas rien quand on sait que les Corse l’ont arraché de hautes luttes excédés, qu’ils étaient avant 1976, par la médiocrité du service des compagnies privées subventionnées. Se posait également la question de la cherté de la vie et du coût du transport des marchandises amorti par le franco de port inclus dans la continuité territoriale. Mais comme les réfactions de TVA, il sera détourné au détriment des consommateurs.
En 2007, la majorité régionale de droite invente le service de base et le service complémentaire. Les élus communistes sont les seuls à voter contre. Cette distinction constituait une brèche dans le service public autant qu’un angle d’attaque pour les actionnaires suisses de CFF particulièrement procédurier. La compensation financière versée à la SNCM au titre du service complémentaire sera qualifiée à posteriori d’aide de l’Etat par la Commission européenne qui réclamera une amende de 400 millions d’euros à la compagnie précipitée ainsi vers la liquidation judiciaire.
Certains élus de l’Assemblée de Corse, nationalistes compris, voyaient dans cette politique à court terme la possibilité de dégager des excédents sur l’enveloppe de continuité territoriale, déspécialisée à cet effet, pour faire couler du béton et du goudron. Le gouvernement Sarkozy y verra lui la démonstration que la dotation de continuité territoriale, non consommée intégralement, pouvait être gelée à 187 millions d’euros, son montant de 2008. Dans le schéma actuel, la prochaine étape sera celle de la réduction drastique.
Contrairement à ce que nous avons entendu, ce n’est donc pas la SNCM qui est responsable aujourd’hui de la situation mais bien l’accumulation de choix politiques conforme aux objectifs de la déréglementation pilotée par Bruxelles via Paris et Ajaccio. La majorité nationaliste, prisonnière de sa revendication visant à créer une compagnie régionale, a contribué à rendre la situation sinon ingérable au moins plus complexe. Elle a eu beau promettre la fiabilité juridique en s’alignant sur les exigences libérales de la Commission européenne rien n’y a fait.
Le retour de boomerang est cinglant. Les tests marchés, les DSP transitoires ou de raccordements se sont multipliés poussant à leur tour les 600 marins et sédentaires de la CMN dans l’angoisse de perdre leurs emplois et au final, apparemment non instruit par l’expérience d’un acharnement procédurier des actionnaires de CFF, l’Exécutif territorial, en se disant surpris de la volonté politique affirmée par la Commission européenne, révèle son inconséquence.
Voila comment, la dénonciation d’un prétendu "lobby marseillais" par les socioprofessionnels a permis, des années durant avec un large soutien politique à l’exception du Parti communiste, de faire prévaloir en 2016 l’intérêt privé du consortium des patrons corses. Les 350 millions d’euros d’actifs de la SNCM, passeront alors sous le contrôle de ce "lobby corse" pour la modique somme de 25 millions d’euros après le sulfureux épisode du Stena Carrier. On comprend aussi, pourquoi en 2005 est intervenue la privatisation de la SNCM puis en 2014 sa liquidation sacrifiant des centaines d’emplois avec la bénédiction du gouvernement Hollande et du président de l'Exécutif de la CTC.
Parallèlement, l’acharnement procédurier des actionnaires de CFF a porté ses fruits auprès des instances européennes dont l’objectif central a toujours été de liquider la desserte publique de continuité territoriale. A l’évidence, l’enquête à charge, de la Commission européenne, diligentée le 28 février, prépare à cette évolution. Ces conclusions visent à en limiter le périmètre au seul acheminement du fret sur les ports principaux en obligations de service public, sans compensation financière et à laisser le trafic passager "s’autoréguler" sous le seul contrôle des opérateurs notamment CFF d’ores et déjà en position dominante en détenant 75 % des parts de marché.
Les dirigeants de CFF, à l’origine d’un énième recours, contre la procédure d’appel d’offres, sans y avoir candidaté, ne s’en plaindront pas. Dans ce contexte, son interruption pour infructuosité intervient au détriment de Corsica linea et de La Méridionale qui y ont répondu conjointement après une période dommageable de conflit entre elles. Forte de ces constats, la CdC aurait dû peser beaucoup plus en faveur de la négociation afin de rapprocher la demande de compensation financière du montant de son estimation.
Ces derniers rebondissements doivent, non pas comme l’explique le président de l’Exécutif, amener la CdC, autorité délégante, à se soumettre aux directives de la Commission européenne mais au contraire à exercer pleinement ses compétences. Elle doit choisir de renforcer le service public pour donner de la visibilité aux opérateurs et rassurer les personnels des compagnies délégataires comme les usagers. Ce choix est aussi celui du développement durable exigeant des opérateurs les critères sociaux et environnementaux les plus élevés et l’exécution par délégation du service public sous pavillon 1er registre français dans l’intérêt bien compris de la Corse.