Une pétition circule actuellement, demandant le retour de la Corse dans le giron italien.
Les arguments sont d’ordre juridique. Nous apprenons ainsi que, au regard du Droit international, la souveraineté de la France sur la Corse est entachée d’illégalité. Le journaliste qui commente la pétition détaille ces illégalités avec précision. Il affirme aussi que, si cette affaire était portée devant la Cour de justice Européenne, elle aurait toutes les chances d’être tranchée en faveur de l’Italie. Mais, dit-il, reste à savoir si une pétition peut effacer deux cents ans d’histoire.
Ce qui reste à savoir, selon « Corsica Cristiana », c’est si 200 ans d’Histoire peuvent légitimer un viol initial. Car la vente par Gênes de ses droits à la France est bien un coup de force contre le Droit.
Mais, dans ce cas, à qui la Corse appartient-elle ? Les arguments égrénés par la pétition sont bons, et suffiraient à emporter l’adhésion. Mais il en est d’autres, qui pèsent davantage, et qui font de la Corse la possession du Saint-Siège.
Une possession contestée
Rappelons que la Corse avait été l’objet d’une donation à ce dernier par Pépin le bref, donation confirmée par Charlemagne. Le Saint-Siège avait confié l’administration de l’île d’abord à Pise, puis, après Meloria, les droits de Pise avaient passé à Gênes. C’était en quelque sorte une gérance. Gênes ne pouvait vendre ses droits sans l’accord du souverain légitime, le Pape. Cette vente était donc invalide. Les Papes ont d’ailleurs toujours vigoureusement protesté contre le cynisme de la France. En vain. « La raison du plus fort est toujours la meilleure ».
Il n’empêche qu’une injustice est toujours une injustice et que, dans les circonstances présentes, un recours à la Cour de Justice Européenne est possible. Mais si cette dernière conclut, comme il est probable, à l’illégalité de l’annexion de la Corse à la France, à qui appartient la Corse ? Le Vatican a renoncé depuis longtemps au pouvoir temporel. A qui donc est la Corse ?
La seule solution, pour sortir de l’impasse actuelle, serait donc de rendre à la Corse l’indépendance qu’elle a connue sous Pascal Paoli, sous tutelle du Saint-Siège – une tutelle purement spirituelle , que ne désavouerait pas le Père de la Patrie.
La séparation d’avec la France se ferait donc « à l’amiable ». Le cas n’est pas nouveau : que l’on songe à la séparation de la Tchéquie d’avec la Slovaquie, pour la satisfaction des deux parties.
La France n’a rien à craindre d’une Corse indépendante, non seulement parce qu’elle serait un état minuscule, mais aussi, comme l’a montré lumineusement notre compatriote Christian Mondoloni, dans un ouvrage qui vient de paraître, et qui est à lire et à méditer (Corse. Indépendance, éd. Vincentello d’Istria), parce que la Corse et la France ont des intérêts géo-stratégiques identiques. Pourquoi ne pas se séparer dans la paix et l’amitié plutôt que dans la guerre et la violence ?
Résister à la « transhumanité »
Ajoutons une considération du plus haut intérêt. Où va le monde moderne, ou plutôt « post-moderne » ? Les politiques de tous bords et de tous pays ne se posent pas le problème. Ils sont aveugles ; mais les observateurs –sociologues, anthropologues, philosophes- sont de façon générale d’accord : nous sommes en train de subir la plus radicale transformation de l’Humanité depuis ses origines. Pas seulement une étape dans l’aventure humaine, mais une mutation qui nous ferait franchir les limites de l’Humanité : la création d’une espèce nouvelle, qui serait à l’espèce actuelle ce que celle-ci est aux singes. Déjà l’homme « augmenté » nous en offre un avant-goût . Les Américains, par une puce placée dans le cerveau, transforment en lion le plus pleutre des hommes. A quoi bon, dès lors, nos légions d‘honneur ? La vaillance se fabrique. Et, si vous avez perdu un être cher, une simple pastille vous rendra gai comme un pinson. Admirables effets de la technique… Mais est-ce un progrès ou une régression ? et déjà la biologie s’apprête à créer, dans ses laboratoires, les chimères de la mythologie : centaures, sirènes, et autres hydres…
Ainsi, à l’âge « atomique », où la fission de l’atome était une figure de la désintégration sociale, est en train de succéder l’époque que nous appellerons « astrale ». La fascination pour l’immensité de l’Univers et ses mystères est le symbole du besoin de sortir du monde humain, de quitter notre terre, pour aller hors de l’Homme.
Que deviendront alors nos « identités », nos frontières, nos peuples et nations ? Un monde nouveau est en gestation, -ou plutôt un « dismonde ». Métallique, glacial, extra-humain, c’est à dire inhumain.
Mais nous voulons rester des hommes. La tutelle spirituelle de la Rome éternelle est seule capable de nous protéger contre la déferlante de la transhumanité. Des hommes ; mais nous savons que, comme disait Pascal, l’homme passe infiniment l’homme. Pascal, auquel fait écho un penseur moderne bien différent de lui, Martin Heidegger : « un homme qui n’est qu’homme, cela n’existe pas ».
Mais l’Homme-Dieu existe. Une Corse indépendante sous tutelle romaine : Lumière dans la nuit.
Paul-Michel Castellani et Antoine Luciani, co-fondateurs du cercle de réflexion « Corsica Cristiana. »