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En Corse, les maires plutôt favorables à la généralisation du scrutin de liste


le Mardi 18 Mars 2025 à 09:36

Le 11 mars dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi relative à la généralisation du scrutin de liste aux élections municipales. Un texte qui vient notamment imposer la parité dans les conseils municipaux des communes de moins de 1000 habitants, où elle n’était pas exigée jusqu’ici, et mettre fin à la possibilité d’un panachage des listes lors des élections.



(Photo d'illustration - Archives Michel Luccioni)
(Photo d'illustration - Archives Michel Luccioni)
C’est un texte qui pourrait changer quelque peu la donne pour les prochaines élections municipales. Trois ans après l’Assemblée nationale, le 11 mars dernier, les sénateurs ont adopté en première lecture une proposition de loi visant à « harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité ». Soit en somme à généraliser le scrutin de liste aux élections municipales avec pour ambition de répondre à la crise des vocations qui touche les petites communes.
 
Si le texte doit encore effectuer la navette parlementaire, le gouvernement souhaite voir entrer cette évolution en vigueur avant mars 2026. Lors de la prochaine campagne municipale, les communes de moins de 1000 habitants devront donc appliquer une nouvelle obligation de parité dans leurs conseils municipaux, où elle n’était jusqu’ici pas exigée. Une mesure qui a pour objectif de renforcer la place des femmes, qui va dans le bon sens selon de nombreux maires de Corse. Même si beaucoup avouent ne pas avoir attendu ce texte pour appliquer leur donner toute leur place. « Cela fait 36 ans que j’ai la parité dans ma commune », sourit ainsi Ange-Pierre Vivoni, le maire de Sisco et président de l’association des maires de Haute-Corse. « J’ai déjà la parité dans mon conseil municipal depuis 2014, mais ce n’est pas un gage d’engagement : dans les petites communes c’est avant tout cela qui compte », souligne pour sa part Pierre-François Bellini, le maire de Carbuccia. « Les femmes pensent différemment de nous, et c’est bon de les avoir dans le conseil municipal pour avoir une autre réflexion. Il y a cinq ans, lorsque je me suis présenté aux élections municipales, j’avais déjà une liste paritaire et j’ai aussi respecté la parité dans mes adjoints », appuie encore Pierre Olmeta, le maire de Bisinchi.
 
Mais tous trois l’avouent sans détour : la crise de l’engagement local et la démographie de certains villages risquent de rendre l’application de cette nouvelle obligation très ardue. « Il y a des villages où il est déjà compliqué ne serait-ce que d’avoir un conseil municipal complet. Sans mauvaise foi du maire, il y a donc des endroits où la parité va poser problème, il ne faut pas se le cacher », note ainsi le maire de Bisinchi.
 
De son côté, Ange-Pierre Vivoni estime qu’avec l’application de ce texte « à peu près 200 hommes vont laisser leur place en Corse ». « Ce que je souhaite, c’est que ces hommes ne cèdent pas leur place ni à leurs femmes, ni à leur fille, ni à leur sœur, juste parce qu’elles sont de leur famille. Il faut qu’ils soient remplacés par des femmes qui ont envie de travailler et que les listes soient faites en bonne intelligence », espère-t-il, « Il ne faut pas imposer à une femme de venir sur une liste. Il faut aller les chercher pour leurs compétences, et non pas pour boucher un trou. L’application de la loi devra se faire dans cet esprit ».
 
En outre, alors que dans les communes de moins de 1000 habitants l’application du scrutin majoritaire plurinominal laissait jusqu’ici la possibilité d’effectuer un panachage des listes lors des élections, cette proposition vient mettre fin à cette pratique souvent qualifiée de « tir aux pigeons ». « C’est quelque chose d’abominable que je n’ai jamais accepté. Avec le panachage les gens s’acharnent sur certaines personnes », déplore ainsi le maire de Sisco. « La fin du panachage est quelque chose qui va être positif dans le temps, mais il faut que cela rentre dans les mœurs. Le fait de pouvoir panacher était quelque chose de culturellement assez ancré en Corse, mais cela créait souvent des querelles, des dissensions puisqu’on cherchait à savoir qui avait barré un tel ou tel d’une liste », renchérit le maire de Carbuccia en prévoyant : « Si la fin du panachage est une bonne chose, cela risque d’entrainer des votes nuls, parce qu’il y a quand même des gens qui vont passer outre, et peut être même un peu d’abstention ». 
 
Dans la même ligne, Pierre Olmeta qualifie cette évolution de « bonne mesure », les règlements de compte personnels et vieilles rancœurs jouant encore trop de place dans les élections. « Je crois qu’il est bon pour la démocratie qu’on vote sur un projet et pas sur des hommes », appuie-t-il en regrettant toutefois une « hypocrisie des sénateurs ». « Dans la proposition de loi, il a été écrit qu’il sera possible d’avoir des listes incomplètes. Ce n’est pas normal. Si on veut faire un texte de loi où on impose la parité et le scrutin de liste, comme dans les grandes communes, il faut que les listes soient complètes, sinon cela veut dire qu’on admet que tout cela va poser problème », souffle-t-il.