Vers une réédition du livre «La Corse et Pascal Paoli – Essai sur la Constitution de la Corse » de Marie-Thérèse Avon-Soletti
« Des amis m’ont poussé à rééditer mon livre sur la Constitution de la Corse parce qu’il est devenu introuvable, alors qu’il est toujours demandé », explique Marie-Thérèse Avon-Soletti, spécialisée en Histoire du droit et de la pensée politique, maître de conférences HDR honoraire d’histoire du Droit. « Qui plus est, alors que depuis la sortie du livre, la réalité de la Constitution corse ne peut plus être niée comme l’opinion unanime le proclamait avant 1999. Depuis quelques années, ce sont les sources de cette Constitution qui font l’objet d’un débat, une grande partie des auteurs actuels refusant son origine insulaire et situant ces sources sur le continent ou en Terre ferme, comme s’appelait la botte Italienne avant l’unité réalisée au XIXe siècle.
-Et vous y mettez un holà ?
- Une vérité à bien rétablir donc …
- Une réédition qui a cependant un coût ?
- 2025, une année importante pour la mémoire historique de la Corse ?
- Un hommage donc à ces ancêtres …
- Ce livre se veut un rappel, un devoir de mémoire ?
-Et vous y mettez un holà ?
- Absolument, car c’est faux. La Constitution corse sort bien de la terre corse, de la mentalité corse, de l’âme corse, comme je l’ai écrit il y a plus de vingt ans dans ce livre sur la Constitution de la Corse et comme la démonstration en y est faite. Il faut défendre nos ancêtres contre ce complexe de certains Corses contemporains qui voudraient que la Corse ne produise rien : Ni culture, ni idées, ni doctrine, et soit obligée de passer par le continent pour collecter quelques idées étrangères à son esprit et les plaquer artificiellement sur sa population. Tels qu’on connaît les Corses, cela aurait été de toute façon impossible ».
- Une vérité à bien rétablir donc …
- Rétablir la vérité avec l’aide d’amis avec qui j’ai donc entrepris de faire rééditer ce livre par une maison d’édition. Cette réédition doit être connue de tous ceux qui veulent rendre justice aux Corses pour le travail accompli au XVIIIe siècle, d’autant plus que cette Constitution préfigure les régimes de liberté qui seront tant souhaités plus tard et si difficilement mis en place. La Constitution corse a existé. Elle sort de la culture présente dans l’île de Corse. Et elle peut être un modèle pour notre temps.
- Une réédition qui a cependant un coût ?
- Il faut en effet de l’argent pour mener à bien cette entreprise, d’où la mise en place d’une cagnotte*. À l’occasion du tricentenaire de la naissance Pascal Paoli, nous lançons donc une campagne pour célébrer et préserver un héritage culturel et historique inestimable. Cette année est l’occasion de rappeler une vérité souvent méconnue : les Corses du XVIIIᵉ siècle n’ont pas emprunté à d’autres des idées étrangères à leur mentalité. Ils ont puisé dans leur propre histoire, leurs traditions, et leur foi. Pascal Paoli, figure emblématique de la Corse, est le fruit d’une terre unique et d’une culture millénaire. Il incarne le génie d’un peuple, le courage des montagnards, et la quête incessante de liberté et de justice. Son combat pour l’unité sociale et géographique de la Corse reste un modèle pour les générations à venir.
- 2025, une année importante pour la mémoire historique de la Corse ?
- Elle s’annonce en effet décisive. Comme je le disais à l’instant, cette année sera fêté le tricentenaire de la naissance du « Babbu di a Patria » qui, avec Napoléon Bonaparte, incarne l’un des deux grands hommes d’État issus de la terre corse. Si d’importantes festivités sont prévues, les sujets choisis semblent s’orienter dans une direction qui ne correspond pas à l’esprit de nos ancêtres. Ils ne sauraient manifester le talent qui leur a permis de créer un État et de mettre en pratique une Constitution. Le recours systématique aux Lumières italiennes ou françaises, par exemple, prouve le fossé qui existe entre la réalité du XVIIIe siècle et les fausses interprétations qui émergent au XXIe siècle. Nos ancêtres n’ont pas eu besoin de faire appel à des éléments étrangers, français ou italiens, monarchiques ou républicains ; surtout, ils n’auraient pas supporté de se voir imposer des institutions importées d’ailleurs et toutes ancrées dans la doctrine de l’absolutisme qui triomphe au XVIIIe siècle. Cette volonté de raccrocher artificiellement le travail de Pascal Paoli et des Corses du XVIIIe siècle aux Lumières est une insulte à nos ancêtres.
- Un hommage donc à ces ancêtres …
- Nos ancêtres sont des hommes libres, libres de tout absolutisme, religieux ou politique. C’est de leur propre conception de la religion et des traditions communautaires qu’ils ont tiré toutes les institutions pour les hisser au niveau de l’État créé par eux, pour les mettre en pratique dans la Constitution qu’ils ont appliquée pendant quinze ans. Loin d’être à la remorque du continent, ils ont donné l’exemple au continent de ce qu’est un vrai régime de liberté fondé sur l’équilibre entre les trois détenteurs d’un pouvoir dans la cité - le chef d’État, la Consulte et les communautés - les trois piliers de l’organisation constitutionnelle corse, tous responsables d’une partie de l’autorité et tous au service du bien commun. Il est indispensable dans le combat des idées que la vérité l’emporte et, dans ce cas précis, que la vérité historique soit rendue aux Corses.
- Ce livre se veut un rappel, un devoir de mémoire ?
- Pourquoi en effet laisser cette histoire s’effacer ? Pourquoi taire l’héritage d’un peuple qui a été précurseur des régimes de liberté dans un monde dominé par l’absolutisme ? Avec ce projet de réédition, nous voulons rétablir une vérité essentielle : la Constitution corse est née des traditions communautaires et d’une doctrine politique fondée sur le droit naturel, transmise de génération en génération. En contribuant, même symboliquement, à cette cagnotte, le public fait bien plus que soutenir un livre. Il participe à la préservation et à la diffusion d’un patrimoine culturel, littéraire, et historique qui appartient non seulement aux Corses, mais à tous les amoureux de liberté, d’histoire, et de justice.
*Lien de la cagnotte