les députés qui, autour de Paul Molac, ont défendu la loi sur la protection patrimoniale des langues régionales.
Désormais, un enfant pourra, en France, apprendre à lire ou à écrire en breton, occitan, basque, alsacien, créole… avant le français au sein d’une école publique, dès la maternelle et en immersion. Jusqu’à présent, seul un apprentissage bilingue pouvait être proposé dans le public, l’enseignement immersif n’était permis que dans le privé dans des structures associatives. C’est, donc, une loi historique, portée par le député du Morbihan, Paul Molac, qui a été adoptée en deuxième lecture à une large majorité à l’Assemblée nationale, jeudi, lors de la niche parlementaire réservée au groupe Libertés & Territoires. La première sur le sujet sous la Vème République. Parlées par seulement 5 millions de personnes, les 75 langues minoritaires, que comptent la France, sont menacées de disparition, faute d’apprentissage, et d’un nombre suffisant de locuteurs. La loi du député breton rehausse leur protection, leur accessibilité et leur visibilité dans trois domaines : le patrimoine, en reconnaissant l’appartenance des langues régionales au patrimoine immatériel de la France pour mieux les protéger. La vie publique, en sécurisant dans la loi l’affichage de traductions en langue régionale sous les inscriptions et les signalétiques publiques. Et l’utilisation des signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état civil. « La proposition de loi sur les langues régionales vient d'être votée conforme à l'Assemblée nationale ! C'est une victoire collective, avec des soutiens venus de l'ensemble des groupes parlementaires. Le tissu associatif s'est grandement mobilisé, il s'agit aussi de leur victoire », s’est réjoui, dans un tweet, Paul Molac. Et ce, malgré les réticences affichées du gouvernement qui avait déposé deux amendements, le premier supprimant l’article sur la sécurisation de l’enseignement immersif, le second sur la prise en charge effective par les communes du forfait scolaire pour les écoles associatives immersives. Fait assez inédit : les amendements ont été rejetés après un débat houleux. Le Sénat a également adopté le texte sans modification.
Le plaidoyer corse
Les députés de Pè a Corsica sont, sans surprise, montés en première ligne pour défendre le projet de loi. Michel Castellani, député de Bastia, a livré un vibrant plaidoyer pour les langues maternelles, basée sur son expérience de la langue corse. « Mon père n’a jamais mis les pieds dans une école. Jamais ! Mes parents m’ont toujours parlé exclusivement en langue corse. À travers cette langue, ils m’ont inculqué le sens du travail, du devoir et de l’honnêteté. Je suis devenu, bien plus tard, professeur des universités et j’ai enseigné, peu ou prou, l’économie aux quatre coins du monde. Mon exemple illustre une rupture culturelle brutale. Il témoigne aussi du fait que la pratique d’une langue minoritaire ne bloque en rien l’ascenseur social ». Il a taclé la façon dont l’Etat a étranglé toutes les langues minoritaires sur son sol. « Je n’ai jamais entendu une parole prononcée en corse tout au long de mes études. Depuis des siècles, le français est la seule langue des diplômes, de l’emploi, des sciences et de la culture. Quand, sur un territoire, deux langues cohabitent et que l’une d’elles est favorisée au détriment de l’autre, c’est naturellement vers la plus puissante que les parents se tournent car il y va de la promotion sociale et de l’avenir de leurs enfants. C’est pour cette raison qu’au fil du temps, la grande majorité des Bretons, des Alsaciens, des Corses et d’autres encore n’ont pas transmis, ou mal, leur langue historique à leurs enfants, bien aidés en cela par une politique d’État visant à exclure les langues régionales de la vie publique et de l’école. C’est bien triste ! ».
Le fondement de l’identité
Michel Castellani rappelle que la langue maternelle « représente l’un des fondements de l’identité de chacun d’entre nous. C’est par le langage qu’enfant, nous construisons nos relations aux autres, au monde qui nous entoure, que nous exprimons nos premières émotions et que nous nous construisons affectivement. Ce fondement se trouve fragilisé si l’on nous impose une autre langue, supposée plus noble… Non seulement notre langue est dévalorisée mais, à travers elle, notre famille, notre région et notre culture. Ce conflit entre langue dite haute et langue dite basse – ce que les linguistes appellent la diglossie – provoque une redoutable tension chez la personne concernée. Le fait d’imposer à un individu un changement de langue peut provoquer de graves traumatismes psychiques ». Et de citer l’exemple des Aborigènes australiens, des Amérindiens ou des Maoris néo-Zélandais… « La citoyenneté française peut s’exprimer pleinement dans une identité qui ne se vit pas exclusivement dans une langue unique, comme elle ne se vit d’ailleurs pas dans une religion ou une identité personnelle unique… L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes : elle se construit et se transforme tout au long de l’existence ». Le député corse a martelé que toutes les langues méritent d’être sauvées, « car elles portent en elles une part inestimable de la diversité humaine. Les langues ne s’opposent pas, ne s’excluent pas, mais s’ajoutent et se confortent ». Et annonce que deux écoles associatives sont en projet dans sa circonscription.
Les députés de Pè a Corsica sont, sans surprise, montés en première ligne pour défendre le projet de loi. Michel Castellani, député de Bastia, a livré un vibrant plaidoyer pour les langues maternelles, basée sur son expérience de la langue corse. « Mon père n’a jamais mis les pieds dans une école. Jamais ! Mes parents m’ont toujours parlé exclusivement en langue corse. À travers cette langue, ils m’ont inculqué le sens du travail, du devoir et de l’honnêteté. Je suis devenu, bien plus tard, professeur des universités et j’ai enseigné, peu ou prou, l’économie aux quatre coins du monde. Mon exemple illustre une rupture culturelle brutale. Il témoigne aussi du fait que la pratique d’une langue minoritaire ne bloque en rien l’ascenseur social ». Il a taclé la façon dont l’Etat a étranglé toutes les langues minoritaires sur son sol. « Je n’ai jamais entendu une parole prononcée en corse tout au long de mes études. Depuis des siècles, le français est la seule langue des diplômes, de l’emploi, des sciences et de la culture. Quand, sur un territoire, deux langues cohabitent et que l’une d’elles est favorisée au détriment de l’autre, c’est naturellement vers la plus puissante que les parents se tournent car il y va de la promotion sociale et de l’avenir de leurs enfants. C’est pour cette raison qu’au fil du temps, la grande majorité des Bretons, des Alsaciens, des Corses et d’autres encore n’ont pas transmis, ou mal, leur langue historique à leurs enfants, bien aidés en cela par une politique d’État visant à exclure les langues régionales de la vie publique et de l’école. C’est bien triste ! ».
Le fondement de l’identité
Michel Castellani rappelle que la langue maternelle « représente l’un des fondements de l’identité de chacun d’entre nous. C’est par le langage qu’enfant, nous construisons nos relations aux autres, au monde qui nous entoure, que nous exprimons nos premières émotions et que nous nous construisons affectivement. Ce fondement se trouve fragilisé si l’on nous impose une autre langue, supposée plus noble… Non seulement notre langue est dévalorisée mais, à travers elle, notre famille, notre région et notre culture. Ce conflit entre langue dite haute et langue dite basse – ce que les linguistes appellent la diglossie – provoque une redoutable tension chez la personne concernée. Le fait d’imposer à un individu un changement de langue peut provoquer de graves traumatismes psychiques ». Et de citer l’exemple des Aborigènes australiens, des Amérindiens ou des Maoris néo-Zélandais… « La citoyenneté française peut s’exprimer pleinement dans une identité qui ne se vit pas exclusivement dans une langue unique, comme elle ne se vit d’ailleurs pas dans une religion ou une identité personnelle unique… L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes : elle se construit et se transforme tout au long de l’existence ». Le député corse a martelé que toutes les langues méritent d’être sauvées, « car elles portent en elles une part inestimable de la diversité humaine. Les langues ne s’opposent pas, ne s’excluent pas, mais s’ajoutent et se confortent ». Et annonce que deux écoles associatives sont en projet dans sa circonscription.
Une session de rattrapage
Si l’adoption de la loi a été unanimement saluée en Corse, et pas seulement par les Nationalistes, sa portée pour a lingua nustrale reste faible. La langue corse bénéficie déjà d’un statut particulier et des dispositions contenues dans la loi. « C’est une victoire pour les langues dite régionales », commente Saveriu Luciani, conseiller exécutif en charge de la langue corse. « La Corse avait déjà, par l’article 16 de son statut, cette intégration de sa langue dans les programmes et le temps scolaires. Cette loi est donc une session de rattrapage pour les autres langues dites régionales. C’est une remise à niveau par rapport à la Corse qui, depuis plus de 20 ans, vit déjà cette situation-là d’un point de vue pédagogique ». De même pour l’apprentissage en immersion au sein des écoles publiques, « Nous avons déjà en Corse 320 enfants dans six écoles publiques et 15 classes qui suivent cet enseignement immersif depuis deux ans. Cette loi est, donc, une reconnaissance du bien-fondé de ce que nous faisons depuis plusieurs années et de la revendication que nous avons arrachée à Paris en 2016 et qui est un acquis de notre mandature. Elle est un encouragement à développer l’immersif et à aller au-delà de la maternelle vers le primaire dans un premier temps. Bien entendu, cela suppose une formation beaucoup plus soutenue et surtout une volonté de l’État d’accompagner ce processus immersif ».
La langue du pain
Pour Saveriu Luciani, cette loi est une opportunité de pousser plus loin l’enseignement du corse dans le secondaire. « À travers les grands objectifs du contrat de plan État-région et en collaboration, nous demandons, à la fois, un développement de l’immersif à travers des centres immersifs, mais aussi la continuation du grand plan de formation des enseignants du primaire avec un volet pour les enseignants qui veulent se lancer dans l’immersif, et un grand plan de formation pour le secondaire en immersif. Il s’agit, de cette façon, d’accompagner la dynamique de l’enseignement bilingue en Corse, qui existe depuis pratiquement 25 ans, et de dynamiser les filières bilingues du secondaire, du collège et du lycée ». Concernant le forfait scolaire à la charge des communes, décrié par le gouvernement, il répond simplement : « C’est un bon point sur le plan linguistique ». Et, en bon militant de la langue, conclut sur une revendication : « Nous aspirons politiquement à une évolution du statut de la langue corse. Fondamentalement, au-delà de la simple considération pédagogique et scolaire, nous tenons à réaffirmer que la langue corse n’est pas une discipline scolaire, c’est la langue de la société en devenir. Au-delà de ces avancées pour les langues régionales françaises, l’idée, pour nous, est de conforter la stratégie que nous avons déjà mise en place, d’aller sur le plan politique plus loin dans la revendication de la coofficialité, et surtout démontrer qu’au-delà de l’enseignement, nous avons besoin, aujourd’hui, d’une véritable aspiration sociétale pour que la langue corse puisse redevenir, dans un processus plurilingue, une des langues du pain dans ce pays ».
N.M.
Si l’adoption de la loi a été unanimement saluée en Corse, et pas seulement par les Nationalistes, sa portée pour a lingua nustrale reste faible. La langue corse bénéficie déjà d’un statut particulier et des dispositions contenues dans la loi. « C’est une victoire pour les langues dite régionales », commente Saveriu Luciani, conseiller exécutif en charge de la langue corse. « La Corse avait déjà, par l’article 16 de son statut, cette intégration de sa langue dans les programmes et le temps scolaires. Cette loi est donc une session de rattrapage pour les autres langues dites régionales. C’est une remise à niveau par rapport à la Corse qui, depuis plus de 20 ans, vit déjà cette situation-là d’un point de vue pédagogique ». De même pour l’apprentissage en immersion au sein des écoles publiques, « Nous avons déjà en Corse 320 enfants dans six écoles publiques et 15 classes qui suivent cet enseignement immersif depuis deux ans. Cette loi est, donc, une reconnaissance du bien-fondé de ce que nous faisons depuis plusieurs années et de la revendication que nous avons arrachée à Paris en 2016 et qui est un acquis de notre mandature. Elle est un encouragement à développer l’immersif et à aller au-delà de la maternelle vers le primaire dans un premier temps. Bien entendu, cela suppose une formation beaucoup plus soutenue et surtout une volonté de l’État d’accompagner ce processus immersif ».
La langue du pain
Pour Saveriu Luciani, cette loi est une opportunité de pousser plus loin l’enseignement du corse dans le secondaire. « À travers les grands objectifs du contrat de plan État-région et en collaboration, nous demandons, à la fois, un développement de l’immersif à travers des centres immersifs, mais aussi la continuation du grand plan de formation des enseignants du primaire avec un volet pour les enseignants qui veulent se lancer dans l’immersif, et un grand plan de formation pour le secondaire en immersif. Il s’agit, de cette façon, d’accompagner la dynamique de l’enseignement bilingue en Corse, qui existe depuis pratiquement 25 ans, et de dynamiser les filières bilingues du secondaire, du collège et du lycée ». Concernant le forfait scolaire à la charge des communes, décrié par le gouvernement, il répond simplement : « C’est un bon point sur le plan linguistique ». Et, en bon militant de la langue, conclut sur une revendication : « Nous aspirons politiquement à une évolution du statut de la langue corse. Fondamentalement, au-delà de la simple considération pédagogique et scolaire, nous tenons à réaffirmer que la langue corse n’est pas une discipline scolaire, c’est la langue de la société en devenir. Au-delà de ces avancées pour les langues régionales françaises, l’idée, pour nous, est de conforter la stratégie que nous avons déjà mise en place, d’aller sur le plan politique plus loin dans la revendication de la coofficialité, et surtout démontrer qu’au-delà de l’enseignement, nous avons besoin, aujourd’hui, d’une véritable aspiration sociétale pour que la langue corse puisse redevenir, dans un processus plurilingue, une des langues du pain dans ce pays ».
N.M.