Si certains se plaignent (souvent à raison) de l’absence de présence régulière des politiques dans notre île, aujourd’hui, ce n’était pas le cas, bien au contraire. En tout juste 24 heures, ce ne sont pas moins de 3 ministres qui auront sillonné les routes insulaires dans le cadre du 28è Congrès des maires et élus de montagne. L’objectif clairement affiché : se déplacer concrètement sur le terrain afin de rencontrer les divers acteurs des secteurs d’activité relevant de leurs compétences respectives mais également échanger et se concerter afin de développer lesdits secteurs en Corse.
Après l’arrivée dans la matinée de Stéphane le Foll, ministre de l’Agriculture, qui s’est rendu au village de Tolla pour visiter une usine de production laitière puis à Bastelica (lieu de l’organisation du congrès) afin de s’informer sur les attentes des acteurs de la filière agricole en Corse, c’était au tour de la ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme Sylvia Pinel, de sillonner les routes insulaires pour s’enquérir des problématiques et autres desideratas relevant de sa compétence. Après Bastelica, la ministre a été reçue à la mairie d’Ajaccio par le député-maire Simon Renucci dans le cadre d’un accueil républicain.
« Une Corse marquée au fer rouge de la violence »
Après un chaleureux accueil, le député-maire d’Ajaccio a entamé son discours en rappelant le contexte de tension dans lequel la Corse est plongée ces derniers jours, allant jusqu’à évoquer le terme de drame collectif. « Madame la ministre votre visite intervient dans le contexte particulier d’une Corse actuellement marquée au fer rouge de la violence. Pourtant, au-delà de cette situation qui confine au drame collectif, il existe une autre Corse constituée par une écrasante majorité que l’on dit silencieuse. Une Corse qui travaille dur, qui entreprend. Une Corse à la dignité intransigeante, si riche et si diverse en possibilités. A l’heure ou nous risquons encore d’être perçus, une nouvelle fois, au travers d’un prisme déformant, nul doute que cette grande manifestation s’apparentant à un voyage au cœur d’une région semblable et différente des autres et qui confèrera aux nombreux participants un rôle d’ambassadeurs de la vérité ».
L’indispensable développement de l’intérieur de l’île
Rappelant l’importance du tourisme pour la Corse, il a assuré la ministre que la ville d’Ajaccio « a tout misé sur la diversité de l’offre. La palette se veut multiple allant du tourisme d’affaire, à la plaisance en passant par les croisières. Ici, nous mettons tout en œuvre pour aboutir à un tourisme parfaitement maîtrisé et pleinement intégré à une stratégie de développement durable afin qu’il soit un authentique facteur de progrès ».
Enfin, le maire d’Ajaccio a rappelé que le développement du tourisme de l’intérieur de l’île était incontournable pour l’économie insulaire : « Il peut et doit exister aussi dans l’intérieur, permettant ainsi l’éclosion de nouvelles activités et atténuant la spirale de la désertification (…) Il convient maintenant qu’une prise de conscience s’opère pour que la théorie devienne réalité et que l’on puisse enfin parler de « printemps touristique Corse »…. Celui qui allie tradition et modernité. Essor et protection. Et nul n’oser imaginer que cette louable revendication puisse rester lettre morte. » a plaidé Simon Renucci.
Le soutien du gouvernement dans une période difficile
Dans les salons napoléoniens qui ont visiblement charmé cette jeune et dynamique ministre, Sylvia Pinel a d’abord rappelé son attachement pour la Corse dans un timbre de voix relevé d’un charmant accent de son Sud Ouest natal. « Originaire du département du Tarn et Garonne, le seul a avoir été crée par Napoléon Bonaparte en 1808, je mesure toute l’importance de ma présence en Corse, à Ajaccio dans ce magnifique salon où se mesure le poids de l’histoire ». Puis la ministre a clairement explicité les raisons de sa présence en Corse : « Je viens en Corse pour plusieurs raisons. Tout d’abord pour assister au congrès des maires de montagne, très important pour prendre le pouls et recueillir les attentes des professionnels de ces secteurs mais également pour échanger des idées et des propositions. Nos territoires ont des valeurs fortes et une importante tradition mais également des projets de modernité. Il faut sans cesse innover et créer pour être efficaces » a-t-elle ainsi affirmé.
Faisant écho à la période troublée vécue en Corse en ce moment, la ministre Sylvia Pinel a souhaité avant tout « rappeler les fondements républicains et apporter tout le soutien du gouvernement en ces moments difficiles ».
Tourisme et artisanat comme moteurs économiques ?
Concernant le développement touristique et de l’artisanat dans notre île, la ministre a été claire sur ses objectifs. « Le tourisme et l’artisanat sont des outils très importants pour relever le pays, notamment en Corse. Ce sont des forces économiques qui structurent le territoire et lui permettent d’avancer et le gouvernement soutiendra évidemment tous les projets qui iront dans ce sens » a conclu la ministre Sylvia Pinel.
Si il est évident que les secteurs du tourisme et de l’artisanat sont des composantes essentielles du développement économique de la Corse dans une configuration mondialisée, il faudra toutefois prendre garde à ne pas se focaliser sur une stratégie centrée uniquement sur le "tout tourisme" qui a déjà montré et montre toujours ses limites aujourd’hui. Sous peine de renouveler logiquement les mêmes erreurs, avec les conséquences économiques et sociales dramatiques que vit la Corse au quotidien.
Yannis-Christophe GARCIA
Trois questions à… Sylvia Pinel
- Quels étaient les buts et les enjeux de votre visite en Corse aujourd’hui ?
- Tout d’abord, assister au Congrès des maires de montagne afin de rencontrer les acteurs locaux des secteurs du tourisme, de l’artisanat et du commerce, afin d’échanger avec eux et mieux cerner les attentes et les difficultés rencontrées. Mais aussi les élus et tous ceux qui agissent au quotidien pour faire vivre ces secteurs en Corse. Etre concrètement sur le terrain est essentiel pour mieux comprendre les choses et pouvoir apporter des réponses adaptées.
- Même s’il est sans doute trop tôt pour faire un bilan de cette journée, quels axes majeurs de travail avez-vous identifiés après ces rencontres ?
- Tout d’abord un constat : Le tourisme et l’artisanat sont des outils économiques capitaux pour structurer le territoire et lui permettre d’évoluer. Fort de ce principe, le gouvernement doit accompagner la Collectivité territoriale de Corse dans ses démarches. Il est clair aussi et je le déplore, que les métiers de l’artisanat souffrent parfois d’une image négative. Nous devons donc également réaliser un travail important pour changer les idées reçues. Je suis moi-même la fille d’un artisan boucher et je connais les difficultés rencontrées par les artisans. Par ailleurs, il faut également à mon sens créer davantage de synergie entre les commerçants et les touristes. Quoiqu’il en soit, nous avons au sein de ce gouvernement de véritables ambitions pour tous les territoires et la Corse en fait bien sûr partie !
- Au-delà des ambitions, quels seront très concrètement les mesures ou directives que vous proposerez au gouvernement ?
- Essentiellement un plan Tourisme et Artisanat qui reprendra les problématiques que je viens d’évoquer et qui sera présenté à l’Assemblée Nationale à la fin de l’année, comme l’a annoncé le premier ministre Jean-Marc Ayrault aujourd’hui. Ce plan se déclinera autour de 3 priorités : la remobilisation des acteurs de ces secteurs, la promotion des offres touristiques mais aussi l’amélioration du taux de départ en vacances des Français dont une partie non négligeable en est privée du fait de manque de moyens. Mais il faudra également réaliser un accompagnement des entreprises, notamment par la mise en place du contrat de génération (ndlr : Le contrat de génération vise tout d'abord à inciter les entreprises à embaucher des jeunes arrivant sur le marché du travail. Syndicats et patronat sont parvenus à un compromis il y a quelques jours). Enfin, en ces temps de crise économique, je réitérerai les pistes du gouvernement pour favoriser la "marque France", en privilégiant les produits français. Car c’est une manière d’agir concrètement pour l’économie locale. Enfin, je reviendrai en Corse bientôt pour faire le point sur l’avancée des travaux.
Propos recueillis par Y.- C. GARCIA