C'est à la fin du XIe siècle que l’évêque du Puy, Adhémar de Monteil, reprend le Salve Regina, dont l'auteur reste inconnu. Écrite en latin, cette antienne est une prière catholique adressée à la Vierge Marie. L’histoire originelle de ce chant marial reste floue, et les spécialistes ne s'accordent pas toujours sur ses origines exactes. Selon Stéphane Marchetti, « Le 30 janvier 1735, les Corses proclament leur indépendance, et c’est à ce moment que le Dio prend des airs d’hymne national. Cependant, ce n’est qu’une récupération d’une tradition déjà existante. » Concernant l’aspect spirituel, l'historien précise qu’il n’y a rien de novateur à chanter cette prière à la fin d'une célébration religieuse. « En remontant au chant grégorien, on constate qu’après les complies, le Salve Regina est traditionnellement chanté. C’est une pratique chrétienne universelle, et les paroles ont simplement été adaptées en corse avec Dio ou Diu. » Lors de la Cunsulta di Corti en 1735, l'hymne prend une dimension politique, une alliance entre le sacré et le profane qui était courante au début du XVIIIe siècle, avant l’émergence de la séparation entre religion et politique propre au siècle des Lumières. « Les religieux, à cette époque, détiennent un savoir mêlé de spiritualité et de philosophie, et il n’y a pas encore cette dissociation entre le sacré et le profane que l’on connaît aujourd’hui », ajoute Stéphane Marchetti. Le marialisme, très présent en Corse, n’inclut cependant pas de visée politique dans la version du Dio écrite par saint François de Girolamo, selon l’historien.
L’évolution de l’hymne : du spirituel au symbolique
Si le Salve Regina est à l'origine un chant de foi et de dévotion mariale, il prend un tour plus profane en Corse, en 1735. Il devient un hymne emblématique de l'identité nationale. « En 1735, il est avant tout l’hymne des insurgés ; en 1762, avec Paoli, il devient un hymne national à part entière, mais tout ce qui relève du religieux dans le profane conserve une certaine sacralité », précise l’historien. À mesure que l'hymne se transforme, son champ sémantique s'adapte. Les paroles prennent des significations variées, selon qu'elles soient interprétées dans un cadre religieux ou politique. Par exemple, dans le vers « Voi dei nemici nostri », Stéphane Marchetti explique : « Pour certains, les ennemis désignent nos démons intérieurs à combattre, mais ils peuvent aussi être vus comme les ennemis de la nation, à qui l’on attribue une sacralité particulière. »
Les vocables comme « Regina, E Madre Universale » renforcent quant à eux l’immense dévotion des Corses à la Vierge Marie. « Marie est la mère du Roi des rois. Cette image de la Reine des Cieux est largement développée dans la poésie chrétienne du Moyen Âge. Elle est perçue comme une figure englobante, symbole de justice et de miséricorde, et est associée à un pouvoir unique de pardon », ajoute Stéphane Marchetti. Le Dio devient ainsi un chant dévotionnel, mais aussi un instrument de cohésion, qui unit les croyants autour de convictions communes. En Corse, il renforce le sentiment d'appartenance à une communauté, une fusion entre la dimension cultuelle et culturelle qui forge une communion entre les fidèles et le peuple insulaire.