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Antoine Orsini : « La sauvegarde de la langue corse doit être une volonté politique ».


Nicole Mari le Vendredi 17 Mai 2013 à 11:56

Le débat sur le statut de coofficialité de la langue corse se poursuit ce vendredi à l’Assemblée territoriale (CTC). Alors que l’examen des 110 amendements se prolonge en commission, Antoine Orsini, élu du groupe Corse Social Démocrate, allié à la majorité territoriale, explique, à Corse Net Infos, les raisons de son adhésion au projet présenté et les enjeux du statut.



Antoine Orsini, élu du groupe Corse Social Démocrate et président de la Commission des finances de la CTC.
Antoine Orsini, élu du groupe Corse Social Démocrate et président de la Commission des finances de la CTC.
- Que pensez-vous du projet présenté ?
- Nous l’avons abordé par rapport au moyen juridique qu’est le statut de coofficialité, dont il entend doter la Corse pour permettre à la langue corse d’être sauvée et de retrouver la place qui doit être la sienne dans la société insulaire et dans tous les actes de la vie courante. Le principe de coofficialité donne aux citoyens le droit d’utiliser, selon leur choix, à parité, le corse et le français, et confère, en contrepartie, à l’administration, aux pouvoirs publics et au système éducatif, des obligations envers ces mêmes citoyens.
 
- Voterez-vous pour le statut de coofficialité proposé par l’Exécutif ?
- Oui. Absolument. Même si ce statut n’est pas le plus facile à obtenir, il semble être le moyen le plus performant, comme nous avons pu le voir ailleurs notamment au Pays Basque espagnol, pour permettre à une langue de s’asseoir dans une société et de réinvestir le terrain.
 
- Avez-vous déposé des amendements ?
- Nous présentons, en commun, avec d’autres groupes de la majorité, des amendements sur différents points, parfois même de forme, et sur des points visant à assurer la non-discrimination notamment sur le plan éducatif et professionnel. Pour nous, un statut de coofficialité ne doit pas être un outil de discrimination ou d’exclusion, mais, bien au contraire, un facteur d’intégration de ceux qui ne sont pas corses, qui ont choisi de vivre en Corse et qui souhaitent, par la langue, mieux s’y intégrer. Nous insistons sur ces aspects qui font l’objet d’amendements.
 
- Ce statut a un coût financier qui n’a pas été chiffré. Est-ce une lacune du projet ?
- Le coût n’a pas été chiffré parce qu’aussi bien dans le domaine éducatif, des médias, des pouvoirs publics et des administrations, la mise en œuvre sera graduelle et progressive. C’est pour cela que je préfère parler de processus de coofficialisation plutôt que de coofficialité. Il faudra mettre des moyens de formation dont le coût doit être maîtrisé et étalé dans le temps. On sait bien que le coût sera élevé, mais la sauvegarde de la langue n’a pas de prix.
 
- Un obstacle majeur est la constitutionnalité du texte. Est-ce un argument valable pour refuser le statut ?
- Non. Il y a deux façons d’aborder la question. Soit, on l’aborde en juriste en disant : c’est anticonstitutionnel. Puisque l’Etat ne parvient même pas à trouver les moyens politiques de ratifier la Charte des langues minoritaires et, à priori, d’engager la modification de la Constitution nécessaire, on fait profil bas. On propose un plan de la langue corse avec un statut qui n’aurait rien d’officiel. Ce n’est pas la solution que nous adoptons. Nous préférons avoir une démarche très politique qui consiste à dire : voilà le moyen qui serait le plus efficace pour sauver la langue corse et atteindre le bilinguisme assumé. Pour cela, il faut montrer une volonté et une audace politiques fortement affichées de manière à prouver à l’Etat notre détermination.
 
- De quelle façon ?
- Il faut, progressivement, qu’un rapport de forces, en tous cas qu’une démonstration politique de notre volonté fasse comprendre à l’Etat que la langue française n’a rien à craindre d’une reconnaissance officielle de la langue corse. Bien au contraire, la République sera plus sereine et plus riche d’accepter que, dans des régions à forte identité comme la nôtre, les Corses, au travers de notre Assemblée et des élus que nous sommes, veulent défendre leur langue comme élément de leur identité culturelle et de leur patrimoine. Il faut qu’une telle reconnaissance puisse s’affirmer officiellement. C’est le message du signal politique fort que nous voulons envoyer à l’Etat, au gouvernement, au Parlement et aux Sages du Conseil constitutionnel.
 
Propos recueillis par Nicole MARI