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Bastia : Le Conseil municipal adopte des mesures en faveur du logement, sans les voix du MCD et de l’opposition !


Nicole Mari le Mardi 10 Novembre 2015 à 22:51

A 25 jours du premier tour des Territoriales, la campagne électorale s’est invitée, mardi soir, au Conseil municipal de Bastia, de façon bien étrange. L’opposition, désormais élargie au MCD (Mouvement Corse Démocrate), s’est élevée contre le dispositif social d’accession à la propriété des jeunes ménages, proposé par la majorité en place. Des positions très surprenantes et bien alambiquées pour le PRG Jean Zuccarelli et le communiste Francis Riolacci qui se sont abstenus, plus encore pour François Tatti qui a voté contre ! Le maire, Gilles Simeoni, avoue, en vidéo, à Corse Net Infos, sa stupéfaction et son incompréhension. François Tatti a refusé de s’exprimer sur le sujet.



Le maire Gilles Simeoni, entouré de ses deux premiers adjoints, Emmanuelle De Gentili et Jean-Louis Milani.
Le maire Gilles Simeoni, entouré de ses deux premiers adjoints, Emmanuelle De Gentili et Jean-Louis Milani.
Il y a des campagnes électorales qui ont des effets surprenants sur certains candidats ! C’est ce que l’on a pu remarquer, mardi soir, au Conseil municipal de Bastia où l’opposition a fait feu de tous bois, même du plus mauvais, dans sa stratégie jusqu’au-boutiste anti-coalition en place. Une opposition désormais ouvertement agrandie au président de la Communauté d’agglomération (CAB), François Tatti, et au MCD qui sont allés encore plus loin dans la polémique absurde, au grand amusement de leurs nouveaux congénères ! L’improbable objet du litige est un dispositif favorisant l’installation de primo-accédant sur la commune de Bastia. Ce dispositif, inédit en Corse et permis par la loi ALUR, offre la possibilité à de jeunes ménages d’accéder, pour la première fois, à la propriété par l’achat de leur résidence principale à un prix inférieur au prix du marché. Par exemple, un prix de vente réduit à 2000 € le m2 contre 2600 € à 3000 € normalement. Le cœur de cible est un jeune ménage dont les revenus n’excédent pas le plafond d’un Prêt locatif social (PLS) majoré de 25 %, soit au maximum 3000 €, et qui n’a pas accès au crédit, aux prix actuels du marché immobilier.
 
Un dispositif innovant
« Ce dispositif, que nous proposons, correspond à des engagements forts que nous avons pris face aux Bastiais en début de mandature et à notre volonté d’agir dans le champ d’une plus grande justice sociale. Il est inédit et innovant, même si des expériences similaires ont été conduites ailleurs. Nous avons choisi de nous servir du PUP (Projet urbain partenarial) qui encourage le promoteur, la commune et l’intercommunalité à passer des conventions dans une logique gagnant-gagnant. Le promoteur s’engage à réserver une part significative de son programme immobilier, jusqu’à 25% des logements au primo-accédant. Nous organisons, ainsi, sans apport d'argent public, une discrimination positive en faveur des résidents de la ville et de la CAB », se félicite le maire de Bastia, Gilles Simeoni.
 
Un signal fort
Les critères pour être éligibles sont conformes à la loi : être primo-accédant et ne pas revendre le bien avant 9 ans. Seront privilégiés ceux qui sont, déjà, depuis un certain temps, en location. En contrepartie, les promoteurs obtiendraient, soit une constitution de réseau, soit une augmentation de la constructibilité minimum prévue par le PLU (Plan local d’urbanisme). « Les nombreux promoteurs privés, que nous avons contactés, nous ont, déjà, donné leur accord de principe pour diminuer les prix de vente. Ce dispositif social, est un premier pas très important dans la mise en œuvre de notre politique du logement et un signal d’espoir fort adressé aux jeunes. Il a vocation à être inscrit dans le PLU et inséré dans le PLH (Programme local de l’habitat) de la CAB », ajoute Gilles Simeoni.
 
A contretemps !
Dans une ville, comme dans une île, où la crise du logement est un problème prégnant, pour ne pas dire douloureux, on aurait cru le sujet consensuel entre tous ! La majorité municipale semble l’avoir, pour sa part, benoîtement cru ! Sa surprise fut visible devant le tir groupé d’une opposition plutôt gênée aux entournures et qui se serait bien passée d’une telle mesure en pleine campagne électorale ! Le premier à tenter l’offensive sur un terrain, où on ne l’attendait pas, est le communiste Francis Riolacci qui pinaille et entonne, à contretemps, sa ritournelle sur la crise politique entre Bastia et la CAB : « Ce projet devrait théoriquement s'intégrer dans une vision globale de l'habitat et être mené dans une collaboration entre la ville et la CAB. On dépouille l'agglomération d'une partie de ses compétences, comme on l’a fait pour le Palais des Congrès. C’est là que le bât blesse ! Comme vous ne travaillez pas ensemble, vous ne présentez pas une politique du logement, mais vous faites du coup par coup ! ».
 
Un coup de com’
Un refrain repris immédiatement en chœur par Jean Zuccarelli qui invoque, pêle-mêle, « une absence de réponse globale, pas de projet initial présenté en début de mandature, une crise de gouvernance entre la CAB et la ville ». Il rappelle que « La CAB devait organiser les Assises du logement en juin, elles n'ont pas eu lieu. Elle est dans une situation d'inaction, de paralysie ». L’élu PRG, droit dans ses bottes, juge que « l’initiative, en soi, n'est pas condamnable, elle peut être louable, mais est parcellaire. Nous sommes dans la politique du coup par coup dont souffre politiquement notre ville alors qu’il faut une politique globale et des objectifs volontaristes. Il faut aller plus vite et plus fort. Vous n'êtes absolument pas dans le rythme ! ». Il accuse la majorité de « chercher à faire un coup de com’ à l’approche de certaines échéances, de chercher à maquiller des retards considérables ».
 
Un vote contre
Rien de bien nouveau sous les sunlights, sauf que le MCD entre dans la danse et pousse une chansonnette grinçante sur fond de couacs électoraux. D’emblée, son leader, François Tatti, que l’on a connu mieux inspiré, affirme : « Nous ne voterons pas ce rapport ! ». S’il reconnaît « une initiative intéressante de premier abord », il estime qu’elle « ne repose pas, à notre sens, sur des éléments sérieux pour être proposée au vote. Elle ne repose sur aucun diagnostic, ni analyse précise. L’absence de contraintes légales et l’appel à la bonne volonté des promoteurs nous paraissent périlleux. Cela sera une négociation au coup par coup. Ce dispositif ne contient pas de signal positif, mais peut créer de faux espoirs pour les ménages ». François Tatti, pour sa part, lance un signal fort à ses éphémères partenaires d’hier, à ses nouveaux alliés de circonstance et à ses propres espoirs déçus : celui d’une opposition désormais tous azimuts.
 
Des propos inacceptables
Si ces propos déclenchent l’hilarité de Jean Zuccarelli et de Francis Riolacci, ils laissent la majorité municipale abasourdie. Michel Castellani, adjoint en charge de l’urbanisme, les qualifie « d’inacceptables ». Il s’insurge avec incrédulité : « Comment peut-on dire qu'il y a une absence d'études approfondies, de réflexions, de vision globale, alors que le rapport, que nous présentons, a été cadré et réfléchi ! Nous savons très bien comment se présente le marché du logement. Nous avons ciblé la population. Notre objectif est parfaitement louable. Il vise la mixité sociale et sera repris à grande échelle dans le cadre du PLU et du PLH. On ne peut pas opposer ce rapport à une politique globale du logement. Essayez, même si nous sommes en période électorale, d'avoir un peu plus d'objectivité ! ».
 
Un premier pas
Une incrédulité partagée par Gilles Guerrini, élu d’Inseme per Bastia, qui s’exclame : « Tout ce qu'on a pu entendre contre ce dispositif nous laisse perplexe ! Il semblerait que l'opposition va voter contre un dispositif qui apporte des réponses aux difficultés que connait une partie non négligeable de la population. Même si les bénéficiaires ne correspondent pas aux critères du logement social, ils ne peuvent pas accéder à la propriété. On attend quoi ? Qu’il n’y est plus personne en ville ? Qu’il soit trop tard ? Morta a terre, Mortu un populu ! E un primu passu. Nous donnons un signal politique fort qui correspond à nos convictions et répond à un besoin de la population ».
    
Que de critiques !
La stupéfaction est tout aussi patente chez la 1ère adjointe, Emmanuelle De Gentili, qui n’en revient pas : « C’est un projet très important pour desserrer l’étau des familles qui quittent Bastia pour s’installer dans les communes voisines. Vous êtes inquiets ! Pourtant, sous l’ancienne mandature, nous avons financé, derrière l’Ostella, quelque chose de moins réglementé et qui a marché ! Nous avions imposé aux promoteurs privés 10% d’accès à la propriété alors que les spécialistes de cette accession tentaient de nous vendre qu’un projet ne peut aboutir sans subventions publiques ! Aujourd’hui, la loi permet d’aller au-delà et, à travers le PUP, d’encadrer les négociations. J’ai du mal à comprendre ce qui vous anime, tant sur le prix, tant sur l’idée même du projet. Quand vous pensez que nous ne prenons pas d'initiative, vous nous critiquez ! Quand nous prenons des initiatives, vous nous critiquez ! ».
 
Des votes à justifier
Des postures que déplore Gilles Simeoni : « Je suis, à la fois, déçu et surpris de l'attitude de l'opposition et du MCD. Je pensais que, sur ce point là au moins, nous aurions pu avoir une unanimité. Les études existent et le besoin est évident. Sur le fond, je ne comprends pas du tout vos postions. Nous sommes au cœur des compétences de la ville avec un dispositif offert par la loi et les PUP, sans un euro d'argent public à mettre. En quoi ce dispositif, qui ne coûte rien à personne, est-il contradictoire avec une politique globale du logement ? Comment voterez-vous demain dans le cadre du PLH ce que vous ne votez pas aujourd'hui ? Les risques que vous pointez n'existent pas ». Et le 1er édile de conclure : « Comment allez-vous justifier, demain, dans la rue, auprès des jeunes qui vont acquérir un logement, que vous avez voté contre ce dispositif ou que vous vous êtes abstenus ? ». Le projet est adopté, le MCD vote contre, le reste de l’opposition s’abstient.
 
Dispute sur le Puntettu
Autre dossier emblématique d’une autre campagne, celles des municipales, le Puntettu a déclenché une prise de bec entre l’élu communiste et le maire de Bastia. « Votre attachement au patrimoine vous conduit à la paralysie. 18 mois après votre prise de fonction, on est dans l’immobilité. Vous n’avez aucun projet. Votre projet alternatif a été recalé. Le nôtre était bouclé. Les logements sociaux, qui étaient prévus, font défaut aujourd’hui », balance Francis Riolacci. Réponse cinglante de Gilles Simeoni : « Les autorités extérieures, le président de l'ANRU et le ministre de la ville ont tranché en faveur de notre majorité municipale. Ils ont dit que, d'un point de vue architectural et patrimonial, votre projet était une aberration et que ce projet, que vous présentiez comme bouclé, était impréparé. Les financements, dont vous vous prévalez depuis des années, n’existaient pas ! L’opération de Gaudin, que vous aviez chiffré à 11 millions €, en coûte 15. Le différentiel de 4 millions €, vous ne l’avez pas budgétisé. Concernant les logements sociaux du Puntettu, vous n’aviez pas les investisseurs et les bailleurs sociaux pour intervenir. Le président de l’ANRU et le ministre de la Ville ont dit que votre dossier était totalement vide. C’est pourquoi, malgré ce que vous dites, nous avons beaucoup avancé et pallié vos carences ».
Le reste de la séance du Conseil municipal fut à l’avenant. Elle s’est conclue sur une violente passe d’armes entre François Tatti et le libéral Jean-Louis Milani. A qui en douterait encore, le divorce est bel et bien consommé ! Reste à savoir si le nouvel ami régionaliste de Paul Giacobbi réintègrera, localement, ses anciennes pénates zuccarellistes. Les paris sont ouverts !
 
N.M.
 

Gilles Simeoni : « Je suis extrêmement déçu ! Je ne comprends pas ! »