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Beauvau - Pour Gilles Simeoni, "un pas important" a été franchi


le Mardi 27 Février 2024 à 19:51

Après le dîner qui s’est tenu hier soir à Beauvau et au cours duquel Gérald Darmanin a présenté sa proposition d’écriture constitutionnelle aux élus corses, le président de l’Exécutif se félicite des avancées significatives qui ont été actées, même si des points restent à préciser.



(Photo : Paule Santoni)
(Photo : Paule Santoni)
- Une étape importante a-t-elle été franchie hier soir ?
- Oui, c'est incontestablement un pas important, je l'espère décisif, même si tout le monde doit avoir conscience qu'il reste encore d'autres étapes non encore acquises et tout aussi importantes. Mais ce pas franchi lundir rend les autres à venir possibles. 
 
- Vous êtes venus à ce dîner avec en mains la déclaration politique solennelle adoptée vendredi dernier par les élus de la Corse. Le ministre de l'Intérieur a de son côté présenté sa propre copie. Des points de convergence ont-ils pu être trouvés ?
- Je pense que l'adoption de cette déclaration politique solennelle vendredi dernier a été un élément décisif dans l'issue positive qu'a connue la réunion d'hier. D'abord sur la méthode, cette déclaration solennelle a permis d'élargir considérablement le socle politique des points d'accord, en allant très au-delà de la majorité qui a voté la délibération du 5 juillet 2023. Je rappelle que cette déclaration contient cinq propositions et préconisations qui ont été votées à l'unanimité et deux préconisations qui ont été votées à une très large majorité, parmi lesquelles la demande d'un pouvoir législatif qui a été voté non seulement par les nationalistes, mais également par les présidents des associations des maires de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, ainsi que Laurent Marcangeli, député et président du groupe Horizons à l'Assemblée Nationale, et Valérie Bozzi, co-présidente du groupe Un Soffiu Novu. Donc, on a une majorité très élargie sur le pouvoir législatif mais également sur la question d'inscrire la Corse dans la Constitution dans un Titre plutôt qu'un article, parce qu’il y à la fois le vote favorable de l'ensemble des nationalistes, mais également parce qu’à ce stade, Laurent Marcangeli et Valérie Bozzi n’ont pas tranché. Dernier point important en termes de méthode, c’est que Jean-Martin Mondoloni fait partie des signataires de l'ensemble de la déclaration, laquelle demande très clairement au ministre Darmanin, au Gouvernement et au Président de la République de prendre en compte les propositions contenues dans la déclaration dans le cadre de l'écriture constitutionnelle à venir, ainsi que dans le cadre de la future loi organique. Et deuxièmement, les signataires demandent à l'unanimité que toutes les préconisations soient prises en compte, c'est-à-dire que Jean-Martin Mondoloni reconnaît explicitement à travers le document la légitimité du fait majoritaire et demande, même lorsqu'il ne partage pas les opinions majoritaires, à ce que les préconisations formulées à ce titre soient prises en compte. Donc, en termes de méthode, cette déclaration, qui se situe sur le terrain des principes, dans la continuité de la délibération du 5 juillet 2023, a été une avancée considérable. Et, sur le fond, je dirais que par son caractère argumenté, par la précision des demandes et des préconisations qu'elle contenait, elle nous a permis, dans le cadre de la réunion d'hier soir d'avoir des arguments forts bénéficiant d'une légitimité renforcée et des arguments qui ont été intégrés dans le projet de texte qu'avait de son côté élaboré Gérald Darmanin.
 
- Subsiste-t-il malgré tout des points de blocage ?
- Lundi, nous avons acté un certain nombre de principes dans le cadre d'une volonté constructive partagée par l'ensemble des participants. Au début, j'ai toutefois eu l'occasion de faire part d’un certain nombre de remarques sur le fait d'abord que la méthode devait continuer de respecter celle que nous avons validé ensemble, et que même si j’ai accepté avec d'autres élus nationalistes, et notamment la présidente de l'Assemblée de Corse, de participer à cette réunion dans un souci d'efficacité, je souhaite que l'on puisse aussi continuer, comme cela a été initialement prévu, de travailler dans le cadre du comité stratégique et, bien sûr, avec l'ensemble des forces vives de Corse. Deuxièmement, j'ai fait remarquer au ministre que je ne partageais pas son analyse selon laquelle nous étions en retard par rapport au calendrier, dans la mesure où dans son discours du 28 septembre, le chef de l'État nous avait donné 6 mois et que cela nous porte au 28 mars. Donc la semaine dernière, quand le ministre a dit que les élus de la Corse étaient en retard, cette constatation n'était à mon avis pas fondée et elle l’est encore moins aujourd'hui, puisque nous arrivions avec une contribution très forte. Après avoir fait ces remarques préliminaires, il y a eu des échanges où chacun a pu exprimer son appréciation sur le déroulement de la séquence qui a conduit à la réunion d'hier. Ensuite, il y avait une volonté partagée, aussi bien chez les élus la Corse, dans la diversité de leurs convictions qui sont quelquefois fortement opposées, que du côté de Gérald Darmanin et de ses collaborateurs d'essayer de trouver des points d'équilibre. C'est le cas, mais nous sommes quand même en état d'un travail qui n'est pas achevé. La rédaction elle-même reste à parfaire. Il y a des points qui méritent d'être précisés, notamment sur le pouvoir d'adaptation et le pouvoir législatif dont bénéficiera la collectivité autonome de Corse. Il y a des points qui restent à aborder, y compris au niveau de l'écriture constitutionnelle, je pense par exemple à la question du principe de l'autonomie fiscale. Mais ceci étant, nous avons avancé de façon significative et il a été convenu entre l'ensemble des participants que nous allions travailler dans les quinze jours à venir à la formalisation et la finalisation de cette proposition d'écriture constitutionnelle et sa validation définitive interviendra normalement dans le cadre du comité stratégique qui suivra immédiatement la prochaine réunion.
 
- Malgré tout dans le texte présenté, il est question de communauté et non de peuple corse, de statut de résidence plutôt que statut de résident et d'une plus grande place accordée à la langue corse, sans toutefois aller jusqu'à la coofficialité. Est-ce que finalement on n'est pas éloigné des fondamentaux portés par le mouvement nationaliste ?
- Absolument pas. Pour nous, la notion de peuple est effectivement une notion fondamentale. À titre personnel, c’est pour moi une notion essentielle, parce que la conviction centrale de tout mon engagement politique, c'est qu'il existe un peuple corse qui doit être reconnu et qu'il doit avoir la maîtrise de ses choix essentiels. Ceci étant, tous les nationalistes savent qu'il est juridiquement totalement impossible d'avoir la reconnaissance d'un autre peuple que le peuple français dans le cadre de la Constitution, y compris dans le cas d'une révision constitutionnelle. Par exemple, dans le cadre du titre consacré à la Nouvelle-Calédonie, qui est censé organiser la possibilité de l'accession de la Kanaky à l’indépendance, à aucun moment il n'est fait référence au peuple kanak. Y compris en 2018, il n'a jamais été question de demander que la notion de peuple corse soit intégrée dans la révision constitutionnelle. C'est bien la raison pour laquelle, par exemple, dans la délibération du 5 juillet 2023, nous proposons un Titre constitutionnel qui ne fait pas référence à la notion de peuple corse. Nous avions proposé que cette notion soit intégrée dans un accord politique et cette proposition reste sur la table, mais elle n'est absolument pas incompatible avec l'écriture constitutionnelle proposée hier soir. Tout au contraire, je dirais que le fait qu'il soit aujourd'hui acquis que dans la future mention consacrée à la Corse dans la Constitution, il soit fait référence à une communauté historique, linguistique, culturelle, insulaire ayant un lien fort avec sa terre, c'est une reconnaissance sans précédent, y compris au plan constitutionnel, de l'existence du peuple corse. C'est le degré le plus haut dans l'histoire contemporaine de la Corse de reconnaissance du peuple corse. Sur le statut de résident, le fait que cette mention fasse référence constitutionnellement au lien avec la terre est précisément le socle constitutionnel à partir duquel va pouvoir être décliné dans le cadre de la loi organique et dans le cadre des futures lois de la communauté autonome de Corse toute la politique foncière et immobilière permettant de lutter contre la spéculation et la dépossession, et notamment le futur statut de résident qui s'appliquera dans le domaine foncier et immobilier, d'où son qualificatif de statut de résidence. Troisième et dernier marqueur essentiel la question de la langue, c'est vrai que dans la déclaration politique que nous avons signée, il n'est pas fait référence à la notion de coofficialité, dans un souci d'efficacité, dans la mesure où nous savions que cette notion comportait le risque de ne pas être votée par les députés et sénateurs. C'est la raison pour laquelle nous faisons référence, là encore de façon unanime, à un statut de la langue qui permet à tous les citoyens de Corse d'employer indifféremment, à l'oral comme à l'écrit, l'une ou l'autre langue et à la nécessité pour l'ensemble des institutions de permettre à ce droit d'être effectivement exercé dans le respect de l'égalité des citoyens, c'est à dire en respectant celles et ceux qui ne parlent pas une des deux langues. Donc, on est vraiment dans un degré de protection et de promotion de la langue corse qui permettra la généralisation de l'enseignement bilingue et de l'enseignement immersif. Là encore, la référence à la dimension linguistique de la communauté permet d'avoir un socle constitutionnel aux politiques que nous mettrons en œuvre dans ce domaine. Donc, les points d'équilibre que nous avons trouvés, et qui restent à valider définitivement, non seulement ne constituent pas des régressions, mais au contraire nous permettent d'obtenir des garanties de réussir la révision constitutionnelle et ensuite de permettre à cette révision constitutionnelle de déboucher sur des politiques de la collectivité autonome de Corse permettant de décliner de façon opérationnelle les notions fondamentales qui sont au cœur de notre engagement.
 
- Un article est privilégié aujourd'hui plutôt qu'un Titre. Est-ce que ce n'est pas finalement entrer dans la Constitution par la petite porte ?
- Le fait même que l'inscription constitutionnelle se fasse autour des notions que nous venons d'évoquer est déjà une entrée par la grande porte. En ce qui concerne la forme de cette entrée, nous avons voté le 5 juillet 2023 en faveur d'un Titre. Nous continuons à porter cette demande. Nous l'avons expliqué dans le cadre des travaux de la conférence des présidents et ces explications ont été réitérées dans le cadre de la réunion du 24 février. Ces explications ont permis de convaincre aussi largement, puisque les nationalistes qui ont voté la délibération du 5 juillet 2023 ont maintenu leur demande d'un Titre plutôt que d'un article, et que cette demande a reçu le soutien d’Ange-Pierre Vivoni et de Jean-Jacques Ciccolini, les présidents des associations des maires, et de l'ensemble des parlementaires nationalistes. L'élément nouveau important, qui renforce notre position dans le cadre de la discussion qui reste ouverte, c'est que Laurent Marcangeli et Valérie Bozzi ont réservé leur position et n'ont pas encore choisi entre un article ou un Titre. Donc ce débat reste ouvert, y compris avec le Gouvernement, puisque le ministre de l'Intérieur nous a dit dans le cadre de la réunion d'hier, que pour sa part il continuait à privilégier la voie d'un article plutôt que celle d'un Titre, dans la mesure où le Président de la République dans son discours avait fait référence effectivement à un article et qu’il ne lui appartenait donc pas de revenir sur la parole présidentielle et il a indiqué que, in fine, ce serait le Président de la République qui déciderait. Ce point reste ouvert à la discussion et nous continuerons à le défendre, comme nous allons continuer dans les quinze jours à venir à travailler à une écriture constitutionnelle qui soit à la hauteur, à la fois des principes posés par la délibération du 5 juillet 2023 et des préconisations formulées à une très large majorité pour la déclaration politique solennelle du 24 février.