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Corsica Ferries : Les députés nationalistes demandent à l’Etat d’assumer sa responsabilité en payant la facture


Nicole Mari le Mercredi 6 Octobre 2021 à 20:50

L’Etat va-t-il assumer sa responsabilité dans le contentieux maritime qui oppose la Collectivité de Corse (CDC) à la Corsica Ferries et payer la facture de 86,3 millions € ? Rien n’est moins sûr ! L’amendement déposé par les deux députés de Haute-Corse, Michel Castellani et Jean-Félix Acquaviva, en Commission des finances de l’Assemblée nationale, mercredi matin, a été rejeté. Les deux députés nationalistes ont profité de l’examen du projet de loi de finances 2022 pour demander une augmentation de l’enveloppe de continuité territoriale (DCT) de 187 à 250 millions €. La discussion se poursuivra dans l’hémicycle.



Un navire de la Corsica Ferries dans le port de Bastia. Photo CNI.
Un navire de la Corsica Ferries dans le port de Bastia. Photo CNI.
« On va encore parler de la Corse avec une actualité brûlante ». C’est par ces mots que le député de la 2nde circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva, membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, débute son intervention en Commission des finances de l’Assemblée nationale, mercredi matin, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022. L’actualité, c’est la condamnation de la Collectivité de Corse à verser 86,3 millions € à la Corsica Ferries en réparation d'un préjudice lié au subventionnement illégal du service complémentaire à l'ex-SNCM entre 2007 et 2013. Le Conseil d’Etat a donné raison à la compagnie maritime. Une décision judiciaire et financière très lourde pour la CdC qui pointe la responsabilité de l’Etat dans la mise en place d’un système de subventions destiné à maintenir à flot l’ex-SNCM. Les députés nationalistes demandent, donc, à l’Etat, à travers un amendement, d’assumer tout ou partie de la facture en augmentant l’enveloppe de continuité territoriale (DCT). « La dotation de continuité territoriale est une enveloppe importante qui date de 1976 et qui a pour but de baisser les prix des marchandises et des passagers. Elle a été figée en 2009 à 187 millions €, alors qu’elle était auparavant indexée sur le coût de la vie. Cette enveloppe a servi, malheureusement, à conserver la paix sociale à Marseille. Les divers contentieux juridiques, qui ont émaillé l’histoire de l’ex-SNCM, alourdissent la note pour l’actuelle CDC pour des faits remontant à 2007 où l’Etat est responsable. Il n’a pas exercé son contrôle de légalité, ni notifié à Bruxelles la délégation de service public dans le maritime. C’était voulu ! Ce qui démontre un deal qui ne voulait pas dire son nom et qui n’était pas juridiquement viable ! Le bras maritime, qui sépare la Corse du continent, fait que tout est impacté dans l’île en termes économiques, nous demandons de rehausser l’enveloppe de DCT à 250 millions € ».

Le député Jean-Félix Acquaviva.
Le député Jean-Félix Acquaviva.
Un dispositif spécifique
Le rapporteur général du projet de loi de finances n’est guère favorable à l’amendement et renvoie la balle au gouvernement : « Il y a des choix politiques qui sont faits vis-à-vis de la Collectivité de Corse. Si vous estimez que l’Exécutif peut faire plus pour la Corse, c’est un débat à avoir avec le gouvernement. Je considère que l’ensemble des moyens qui sont mis en œuvre aujourd’hui sont tout à fait satisfaisants et qu’il n’y a rien à rajouter ». Le député du Val d’Oise d’origine corse, François Pupponi, intervient comme à son habitude en renfort pour appuyer la demande insulaire : « La question est propre à la Corse sur le cas présent, mais elle peut être appliquée à d’autres collectivités. Que se passe-t-il quand une collectivité territoriale est condamnée par la justice pour des faits qui remontent à 15 ans ? Dans le cas présent, une collectivité se retrouve taxée de 80 millions d’euros d’amende pour une DSP (Délégation de service public) qui relève de majorités précédentes ! La majorité actuelle de la collectivité concernée n’y est pour rien, n’est responsable en rien, ce n’est pas de sa compétence, ni de sa responsabilité, pourtant elle doit payer ! Comment fait une collectivité dans ces cas-là ? Il n’existe pas de dispositif ! Il faut imaginer un dispositif de dotation spécifique ». Il soulève un autre problème épineux : « Le préfet de Corse veut vérifier l’utilisation de cette dotation de continuité territoriale en disant qu’il ne la paiera, alors qu’elle est votée en Loi de finances, que si la CDC lui présente les factures. Depuis quand l’Etat dit : « Je vais verser la DGF (Dotation globale de fonctionnement à une commune si on me présente les factures avant » ? Je n’ai jamais vu ça ! ».

Le député Michel Castellani.
Le député Michel Castellani.
La responsabilité de l’Etat
C’est bien l’avis du député Acquaviva qui tacle au passage « le préfet qui essaye de tordre le cou à la libre administration des collectivités locales. C’est encore un volet politique qui est révélateur ! ». Il insiste de nouveau sur « la responsabilité morale et politique écrasante de l’Etat pour un contentieux où nous avons épuisé les recours en droit interne et que nous contesterons en droit européen ». Il explique que la décision du Conseil d’Etat est « une décision exécutoire. Il est hors de question que nous fassions payer aux associations, aux entreprises, aux communes ce genre d’histoire ! C’est pour cela qu’à travers ce débat sur la DCT et sur la loi de finances, il nous faut une réponse de très court terme ». Le député de Bastia, Michel Castellani sonne la dernière charge : « C’est une question importante. La continuité territoriale a été instaurée par l’État pour faire face à une situation donnée. Elle a été gérée par l’État. Elle a été définie par l’État. Elle a été contrôlée par l’État. Il se trouve qu’elle n’entrait pas dans le cadre de la gestion légale de la concurrence de marché. Du coup, c’est la collectivité de Corse qui doit aujourd’hui assumer l’énorme compensation de 80 millions d’euros ! Vous disiez, Monsieur le rapporteur général, qu’il faudrait qu’il y ait une discussion sur le fond des questions budgétaires. En voilà une belle ! Nous voyons mal pourquoi nous devrions payer nous, à hauteur de 80 millions d’euros, une faute qui incombe manifestement aux errements de gestion de l’Etat à tous les niveaux, que ce soit au niveau préfectoral, au niveau central des ministères des transports et de Bercy ». L’amendement a été rejeté. La discussion sur le sujet reprendra dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.
 
N.M.