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Festival italien de Bastia : Ennio Morricone, "bien plus qu’un compositeur de westerns"


Philippe Jammes le Samedi 1 Février 2025 à 14:00

Invitée par la Dante Alighieri dans le cadre du Festival du cinéma italien de Bastia, la musicologue Chloé Huvet a mis en lumière toute la richesse de l’œuvre d’Ennio Morricone, bien au-delà de ses collaborations mythiques avec Sergio Leone.



Marie-Alexandra Colombani, présidente de la Dante et Chloé Huvet.
Marie-Alexandra Colombani, présidente de la Dante et Chloé Huvet.

Chloé Huvet, comment êtes-vous venue à la musique d’Ennio Morricone ?
Je m’intéresse depuis longtemps aux musiques de film, notamment dans la sphère hollywoodienne. Ennio Morricone a mis du temps à être reconnu à sa juste valeur : l’Académie des Oscars l’a longtemps ignoré, ne lui décernant une récompense pour l’ensemble de sa carrière que très tardivement. J’ai voulu mieux faire connaître l’immense diversité de son œuvre. On l’associe souvent aux westerns de Sergio Leone, mais il a aussi composé pour de nombreux réalisateurs français et américains. En réalité, Morricone s’intéressait à tous les styles, il fusionnait tout. Son travail sur les westerns a parfois éclipsé le reste de sa production, alors qu’il a exploré des univers très variés. En 2020, j’avais d’ailleurs organisé une conférence à l’université d’Ivry pour lui rendre hommage.

Pourquoi une musicologue s’intéresse-t-elle à la musique de film ?
La musique de film n’est pas un art mineur. En tant que musicologue, il est passionnant d’étudier les liens entre la musique de concert et la musique de film. Il n’y a pas de véritable scission entre musique savante et musique populaire. Dans un film, la musique joue plusieurs rôles : elle peut être un narrateur à part entière, structurer la forme du récit, poser des repères, amplifier une émotion ou donner un autre point de vue. Elle agit jusqu’à colorer l’image et transformer la perception du spectateur.

Peut-on dire qu’il a révolutionné la musique du western ?
Chaque genre cinématographique a ses codes musicaux. Morricone a abordé le western d’une manière totalement nouvelle, en étroite collaboration avec Sergio Leone, qui lui-même a bouleversé les codes du genre. Leur travail était unique : Leone diffusait parfois la musique de Morricone sur le tournage pour guider les acteurs, ce qui est rare, car la musique est généralement composée après le montage. Morricone a renouvelé le western en intégrant des sons inédits : des cris, des grognements, des hululements, mais aussi des instruments inhabituels comme la guimbarde ou certaines trompettes. Il a également travaillé avec la soprano Edda Dell’Orso, dont la voix aérienne sublime nombre de ses compositions. Sa réflexion sur les sonorités et son travail d’orchestration en font un compositeur et un arrangeur de génie, avec une signature immédiatement reconnaissable. Il a véritablement insufflé une nouvelle philosophie à la musique de western.

Un mot pour le qualifier ?
Un caméléon. Sa production est d’une richesse extraordinaire, traversant les styles et les époques. C’est cette diversité qui définit le mieux son œuvre.