« C’est la queue de comète d'un héritage douloureux ». Le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, oscille entre soulagement, consternation et détermination. Soulagement d’abord parce que la condamnation à verser 5,1 millions € qui est tombée, mardi, de la Cour administrative d'appel de Marseille, est bien moins lourde que la somme de 47 millions € réclamée par Corsica Ferries. « La Cour a, dans son jugement, beaucoup diminué le montant de la réparation et nous a condamné à 5,1 millions d'euros. C'est beaucoup moins que ce qui avait été demandé et qui était une somme inassumable pour le budget de la CDC. C'est plutôt un motif de satisfaction, mais c’est toujours 5,1 millions d’argent public ! ». Consternation justement parce qu’il avait bon espoir de régler ce contentieux. « Nous avons fait un gros travail. Nous nous sommes battus en intégrant de nouveaux arguments juridiques ». Et qu’au regard des finances de la CDC, « 5 millions €, c'est toujours trop ! Si on additionne l’héritage DSP Santini de 93 millions avec ces 5 millions de l’héritage Giacobbi, cela fait quasiment 100 millions € ! C’est beaucoup ! Et si l’on ajoute les 100 millions € du trou budgétaire, c'est beaucoup trop ! », commente-t-il. Détermination enfin à poursuivre dans la voie choisie.
Des vieux contentieux
Les faits remontent à 2013, sous l’ère Giacobbi, quand la Collectivité de Corse, après la publication d'un avis d'appel à la concurrence l’année précédente, retient, par une délibération du 6 septembre, l'offre présentée par les délégataires traditionnels : le groupement composé de l'ex-Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et de la Compagnie nationale de navigation (CMN). Et, écarte, de fait, la candidature de Corsica Ferries. Rien de bien nouveau en matière de desserte maritime entre les ports de Corse et le port de Marseille, sauf que Corsica Ferries saisit la juridiction administrative pour obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de ce type de contrat. La compagnie très procédurière avait également attaqué en justice la DSP 2007-2013, sous l’ère Santini, mais cette fois pour un préjudice de « subventionnement illégal » du service complémentaire au profit de l'ex-SNCM. Les Nationalistes, arrivés au pouvoir fin 2015, héritent, en plus d’un trou de 100 millions € découvert dans le budget, de ce lourd contentieux maritime qu’il faut gérer ardument. Le 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia reconnait le préjudice pour la DSP 2014-2023 et condamne la CDC à verser à Corsica Ferries 369 500 € en réparation. La compagnie privée, qui réclamait plus de 47 millions € fait appel. L’experte mandatée évalue en cours d’expertise le préjudice à 90 millions €, alors que le rapporteur public, sous les arguments avancés par l’Exécutif corse, conclut au débouté ! La Cour d’appel confirme, ce mardi, l’existence d’un préjudice, mais le minimise. Face au risque d’une nouvelle condamnation en appel, la CDC avait décidé, par prudence, de provisionner 5 millions €, ce qui correspond quasiment au montant exigé. Une prudence dictée par la lourde amende de 86,3 millions d'euros réglée à la Corsica Ferries, en février dernier, pour la DSP 2007-2013. S’y ajoutent 9 millions € d’intérêts pour avoir refusé d’assumer seule la facture d’un service complémentaire imposé par le gouvernement de l’époque. La pression insulaire a permis d’alléger la facture de 50 millions € que l’Etat a indirectement pris en charge. Dans les deux affaires, siégeaient les mêmes parties, les mêmes juges et les mêmes experts.
Une stratégie confortée
Se pose, maintenant, la question d’un éventuel pourvoi en cassation, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour l’Exécutif, la prudence est de mise : « On n’a pas encore pris de décision. On réfléchit », indique Gilles Simeoni. Quoi qu’il en soit, pour lui, « cette nouvelle condamnation vient conforter notre stratégie en matière de desserte maritime de la Corse, basée sur deux principes : solder l’héritage le mieux possible, clôturer tous les contentieux, et sécuriser juridiquement le service public. Solder l’héritage, nous sommes en train de le faire. Convaincre la Commission européenne pour sécuriser le présent et l’avenir, nous l’avons fait avec la DSP que l’Assemblée de Corse a voté en avril et que Bruxelles a validé en amont. La Commission européenne, sauf à revenir sur sa parole, devrait clôturer la procédure d’enquête formelle, ouverte à la demande de Corsica Ferries, sur la légalité de la DSP 2018-2020 ». Cette procédure faisait peser un risque majeur puisque son issue était subordonnée à un accord avec la Commission européenne sur le système de transport maritime de la Corse à partir de 2023. « Nous avons réussi à sécuriser le service public, une lettre de confort de la Commission européenne en valide le principe ». Et s’il reste déterminé à œuvrer pour la création de la compagnie régionale, tant attendue par les Nationalistes, pas question pour le président de l’Exécutif de poursuivre sur la voie « irresponsable » et cauchemardesque des contentieux et d’en ouvrir de nouveau. Même si, reconnaît-il, « on ne peut pas être certain qu’il n’y en aura pas d’autres ».
N.M.
Des vieux contentieux
Les faits remontent à 2013, sous l’ère Giacobbi, quand la Collectivité de Corse, après la publication d'un avis d'appel à la concurrence l’année précédente, retient, par une délibération du 6 septembre, l'offre présentée par les délégataires traditionnels : le groupement composé de l'ex-Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et de la Compagnie nationale de navigation (CMN). Et, écarte, de fait, la candidature de Corsica Ferries. Rien de bien nouveau en matière de desserte maritime entre les ports de Corse et le port de Marseille, sauf que Corsica Ferries saisit la juridiction administrative pour obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de ce type de contrat. La compagnie très procédurière avait également attaqué en justice la DSP 2007-2013, sous l’ère Santini, mais cette fois pour un préjudice de « subventionnement illégal » du service complémentaire au profit de l'ex-SNCM. Les Nationalistes, arrivés au pouvoir fin 2015, héritent, en plus d’un trou de 100 millions € découvert dans le budget, de ce lourd contentieux maritime qu’il faut gérer ardument. Le 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia reconnait le préjudice pour la DSP 2014-2023 et condamne la CDC à verser à Corsica Ferries 369 500 € en réparation. La compagnie privée, qui réclamait plus de 47 millions € fait appel. L’experte mandatée évalue en cours d’expertise le préjudice à 90 millions €, alors que le rapporteur public, sous les arguments avancés par l’Exécutif corse, conclut au débouté ! La Cour d’appel confirme, ce mardi, l’existence d’un préjudice, mais le minimise. Face au risque d’une nouvelle condamnation en appel, la CDC avait décidé, par prudence, de provisionner 5 millions €, ce qui correspond quasiment au montant exigé. Une prudence dictée par la lourde amende de 86,3 millions d'euros réglée à la Corsica Ferries, en février dernier, pour la DSP 2007-2013. S’y ajoutent 9 millions € d’intérêts pour avoir refusé d’assumer seule la facture d’un service complémentaire imposé par le gouvernement de l’époque. La pression insulaire a permis d’alléger la facture de 50 millions € que l’Etat a indirectement pris en charge. Dans les deux affaires, siégeaient les mêmes parties, les mêmes juges et les mêmes experts.
Une stratégie confortée
Se pose, maintenant, la question d’un éventuel pourvoi en cassation, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour l’Exécutif, la prudence est de mise : « On n’a pas encore pris de décision. On réfléchit », indique Gilles Simeoni. Quoi qu’il en soit, pour lui, « cette nouvelle condamnation vient conforter notre stratégie en matière de desserte maritime de la Corse, basée sur deux principes : solder l’héritage le mieux possible, clôturer tous les contentieux, et sécuriser juridiquement le service public. Solder l’héritage, nous sommes en train de le faire. Convaincre la Commission européenne pour sécuriser le présent et l’avenir, nous l’avons fait avec la DSP que l’Assemblée de Corse a voté en avril et que Bruxelles a validé en amont. La Commission européenne, sauf à revenir sur sa parole, devrait clôturer la procédure d’enquête formelle, ouverte à la demande de Corsica Ferries, sur la légalité de la DSP 2018-2020 ». Cette procédure faisait peser un risque majeur puisque son issue était subordonnée à un accord avec la Commission européenne sur le système de transport maritime de la Corse à partir de 2023. « Nous avons réussi à sécuriser le service public, une lettre de confort de la Commission européenne en valide le principe ». Et s’il reste déterminé à œuvrer pour la création de la compagnie régionale, tant attendue par les Nationalistes, pas question pour le président de l’Exécutif de poursuivre sur la voie « irresponsable » et cauchemardesque des contentieux et d’en ouvrir de nouveau. Même si, reconnaît-il, « on ne peut pas être certain qu’il n’y en aura pas d’autres ».
N.M.