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Iñigo Urkulle : « L’État français doit identifier le corse comme une langue officielle »


Philippe Peraut le Mardi 31 Mai 2022 à 08:52

Elu en décembre 2012 président du Gouvernement basque , Iñigo Urkullo, est depuis ce 30 mai sur l'ile. Une en visite officielle qui s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du mémorandum de coopération entre la Corse et l’Euskadi, signé en avril 2021. Langue, développement économique, statut d’autonomie, environnement, place de ces peuples dans une Europe des régions, autant de thèmes qu’il aborde pour les lecteurs de Corse Net Infos.



Iñigo Urkulle, président du Gouvernement basque
Iñigo Urkulle, président du Gouvernement basque

- Faut-il un cadre politique pour que l’économie se porte bien en Corse ou faut-il se concentrer sur l’économie pour adapter ensuite les institutions ?
- Je crois qu’il s’agit de deux choses complémentaires et non opposables. Le poids de l’économie corse en France n’est pas la même chose que la gestion de l’économie en Corse pour les Corses. L’autonomie est une voie institutionnelle pour la gestion de compétences propres qui aura nécessairement un impact sur le développement du peuple corse.
 
- Comment, le Pays Basque est-il parvenu  à rendre ces conditions possibles ?
- Dans notre système d’auto-gouvernement, on ne se finance pas au travers du gouvernement espagnol. Nous levons les impôts nous-mêmes et nous gérons ce que nous avons levé en termes d’impôts. Outre cela, nous payons un quota au gouvernement espagnol par rapport à ce qu’il gère depuis l’Espagne. C’est un exercice de responsabilité unilatérale. Il s’agit, pour nous, de gérer nos propres ressources et d’identifier quels sont les axes que nous devons utiliser pour notre développement et appliquer, par ailleurs, une politique de collaboration entre le secteur public et le secteur privé.

- Quelle est la portée politique de ce genre de délégation qui s’octroie, au final, les responsabilités d’Etat-Souverain ?
- C’est une portée qu’il ne faut pas voir seulement dans le cadre de la relation entre l’Espagne et le Pays Basque. C’est également un point de référence pour les peuples et les nations sans Etat dans le cadre d’une union européenne qui ne doit pas être seulement celle des Etats mais également une union des peuples.

- La Corse mise sur une société bilingue. Vous avez réussi ce pari. À quoi l’attribuez-vous ?
- Notre langue a été longtemps interdite pendant la dictature. Et l’un des défis que nous avons déterminé au début de notre démocratie a été que l’un des traits les plus importants de l’identité d’un peuple, comme peut l’être la langue, permettrait de progresser pas seulement au niveau des connaissances mais au niveau de l’usage de la langue elle-même. Et nous avons réalisé un exercice progressif au niveau du système éducatif. Aujourd’hui, la majorité des familles basques inscrivent leurs enfants dans un système bilingue où presque mono-lingue basque. Ceci été complété par la télévision et la radio publique basque. Enfin, le réseau civil basque est un autre complément qui favorise le développement de la langue au travers des programmes culturels et de formation.

 - Comment la Corse pourrait-elle s’inspirer de votre modèle ?
- Je pense que l’État français doit tout d’abord identifier le corse comme une langue officielle. Le basque est une langue officielle qui était au départ interdite. Nous étions en situation de minorité mais au travers de la reconnaissance en tant que langue officielle, nous avons pu développer des stratégies qui permettent aux citoyens qui ne connaissent pas la langue puissent se rendre compte de la valeur de la connaissance du basque. Un des outils fondamentaux est de faire en sorte que la langue ne soit pas seulement véhiculaire mais une langue de connaissance.