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Julien Paolini : « Nous allons créer un muséum d'histoire naturelle pour la Corse »


Nicole Mari le Dimanche 31 Mai 2020 à 09:03

Lors de la dernière session pré-confinement de l’Assemblée de Corse, le groupe Femu a Corsica, par la voix de Julien Paolini, a fait valider le principe de la création d'un muséum d'histoire naturelle pour la Corse. Une structure dont la plupart des îles disposent et dont la Corse est dépourvue, malgré son énorme richesse floristique et faunistique. Julien Paolini, conseiller territorial, revient pour Corse Net Infos sur les enjeux de ce Muséum en matière de préservation du patrimoine naturel de l'île.



- Vous demandez la création d'un muséum d'histoire naturelle. Pourquoi une telle demande ?
- La préservation de la biodiversité est devenue une problématique majeure, notamment dans les milieux insulaires. La Corse est scientifiquement reconnue comme un réservoir « hot spot » de la biodiversité méditerranéenne, en raison de la présence de nombreuses espèces endémiques, aussi bien d’origine animale que végétale. L’île est également reconnue comme étant géologiquement riche et très variée : minéraux, roches, fossiles… Les scientifiques parlent d’« Elysée de la géologie ». Ce riche patrimoine naturel est toutefois menacé. A ce titre, je rappelle que la Plateforme intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES) a récemment publié un rapport détaillé sur l’effondrement de la biodiversité et l’extinction massive des espèces à l’échelle planétaire. 
 
- Quel est l’enjeu pour la Corse ?
- L’enjeu relatif à la création d’un muséum d'histoire naturelle est de disposer d’une structure capable, à travers ses collections, de conserver et de valoriser le patrimoine naturel de la Corse, notamment sa richesse faunistique, floristique et minéralogique. Au-delà des aspects muséographiques, les enjeux sont également d’assoir les recherches sur la biodiversité et de mieux sensibiliser le grand public à la science, à la nature et à son devenir. A travers ce Museum d’Histoire naturelle de Corse, il s’agira aussi d’engager une approche novatrice en associant la diversité biologique à la diversité géologique tout en présentant les spécificités et les fragilités des écosystèmes insulaires.
 
- Qui détient aujourd’hui les spécimens du patrimoine naturel corse qui pourraient constitués les collections du futur muséum ?
- De nombreuses connaissances et collections sur le patrimoine naturel ont été constituées depuis environ 150 ans par des organismes spécialisés ou par des particuliers éclairés. Par exemple, de précieuses données sur la flore et les insectes sont actuellement archivées à l’Office de l’Environnement. La problématique est que ces multiples collections publiques ou privées sont actuellement éparpillées sur le territoire, peu valorisées et pas toujours conservées dans des conditions optimales. Mais aussi et c’est peut-être plus alarmant, de nombreuses collections sont archivées à l’extérieur de l’île : à Paris au Musée national d’Histoire naturelle), à Genève au Conservatoire et Jardin botaniques, ou encore à Bâle au département Paléontologie. Ces organismes sont prêts à céder leurs fonds à la Corse, mais à la condition que nous soyons en mesure de les conserver dans des conditions adéquates.

Julien Paolini, conseiller territorial du groupe Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.
Julien Paolini, conseiller territorial du groupe Femu a Corsica. Photo Michel Luccioni.
- La structure existante du Parc régional n'est-elle pas suffisante pour accueillir ces échantillons ?
- L’aspect relatif à la connaissance, à la conservation et à la valorisation des ressources naturelles ne fait pas partie des seules prérogatives du Parc naturel de la Corse. D’autres organismes sont concernés par ces sujets, en premier lieu l’Office de l’Environnement et l’Université de Corse. Force est de constater qu’aucune de ces structures n’est suffisamment équipée pour pouvoir prendre pleinement part aux découvertes scientifiques sur la biodiversité et de la géodiversité. En l’absence d’outil adéquat et reconnu, les découvertes relatives aux espèces endémiques et autres espèces patrimoniales ne peuvent être officiellement conservées en Corse.
 
- Pourquoi la Corse est-elle une des rares îles à ne pas disposer de structures adéquates ?
- Bien que beaucoup moins riches en terme de richesses naturelles, de nombreuses villes et régions françaises possèdent leur propre Muséum d’Histoire naturelle. C’est le cas de Marseille, Lyon, Nantes, Toulouse ou encore La Réunion. La Corse est, aussi, à ce jour, la seule île de Méditerranée dépourvue d’un jardin botanique et d’un herbier reconnu au niveau international. Des herbiers internationaux et des jardins botaniques existent pourtant dans la majorité des grandes îles de Méditerranée - Sardaigne, Sicile, Baléares, Malte, Crète, Chypre. Pourquoi un tel retard ? Tout simplement parce que la biodiversité n’a pas été au centre des préoccupations des majorités qui nous ont précédés à l’Assemblée de Corse.
 
- Vous avancez d'autres enjeux, notamment touristiques. Quels sont-ils ?
- Aujourd’hui, il y a une demande croissante pour la découverte de la faune et de la flore aussi bien des Corses que des touristes. Les ressources naturelles de la Corse suscitent l’intérêt grandissant des visiteurs extérieurs. Je pense que la création d’expositions interactives sur la faune, les écosystèmes et la géologie permettrait de contribuer au développement du bio-tourisme et du géo-tourisme, c’est-à-dire un tourisme vert et spécialisé dans la découverte de la biologie et de la géologie d’un pays.
 
- Quel lieu vous semble le plus approprié pour accueillir cette structure ? Quelle serait sa dimension ?
- La ville de Corti semble la plus adaptée pour accueillir une telle structure, en raison de sa proximité géographique avec l’Office de l’Environnement de la Corse et avec l’Université de Corse. La création d’un Muséum d’Histoire naturelle dans le Centre-Corse peut contribuer au développement de l’attractivité touristique du territoire et permettre de compléter l’offre muséographique déjà proposée par le Musée de la Corse. Concernant le dimensionnement, le Conseil Exécutif engagera prochainement des études relatives à la faisabilité technique et financière d’un outil ambitieux et innovant.
 
- Votre motion a été adoptée. Que va-t-elle devenir maintenant ?
- Cette motion a été adoptée à l’unanimité. Je me félicité que la volonté de créer une structure muséographique d’envergure territoriale soit partagée par l’ensemble des élus de l’Assemblée de Corse. Lors de la session, le Président du Conseil Exécutif, Gilles Simoni, a affirmé son soutien à ce projet visant à la protection et à la valorisation du patrimoine environnemental de l’île. Il s’est également engagé à mener les démarches qui conduiront à la création d’un Muséum d’Histoire naturelle de la Corse dans les prochaines années.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.