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L’Assemblée de Corse adopte le compte financier unique 2023 de la CDC


le Jeudi 27 Juin 2024 à 22:31

À l'occasion d'une session express rassemblée sur la seule après-midi de jeudi en raison du contexte électoral, l'hémicycle s'est penché sur ce document budgétaire qui vient pour la première fois remplacer le compte administratif et le compte de gestion pour l'exercice 2023. Au bilan : un compte financier unique qui culmine à 1,5 milliard d'euros, des dépenses contenues, des investissements en hausse mais des recettes en baisse. Malgré des critiques marquées de l'opposition, au terme de débats peu animés, le document a été adopté avec les seules voix de la majorité.



(Photo : Archives Paule Santoni)
(Photo : Archives Paule Santoni)
« Le procès fait par ceux qui affirment que la CdC est en faillite relève de la mauvaise foi, voire de la malveillance ». Devant les travées dispersées de l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, le conseiller exécutif et président de l’Agence de Développement Économique de la Corse, Alex Vinciguerra, a présenté le compte financier unique (CFU) de l’exercice 2023 de la Collectivité de Corse, ce jeudi après-midi à l’occasion d’une session très raccourcie. Rassemblée sur une demi-journée, la séance a en effet dû se tenir en dépit du contexte électoral, le vote de ce document devant impérativement intervenir avant le 30 juin, mais s’est cantonnée au seul sujet budgétaire.
 
Expérimenté pour la première fois, le CFU vient remplacer le compte administratif, habituellement produit par la CdC, et le compte de gestion, qui est d’ordinaire fourni par le Comptable public. « Il vient rendre compte en toute transparence de la situation financière de la CdC », explique Alex Vinciguerra en introduction en déroulant : « Ce CFU culmine à près d’1,5 milliard. On y retrouve des dépenses cumulées d’investissement et de fonctionnement qui traduisent trois grands choix politiques exprimés lors du vote du budget 2023 : la construction de la Corse de demain ; le maintien d’une société solidaire ; et la mise en œuvre de ces politiques par une administration performante ». Ce document met tout d’abord en exergue un niveau d’investissement de 420 millions d’euros, que le conseiller exécutif compare avec les réalisations cumulées des trois ex-collectivités « qui réalisaient 289 millions d’euros en moyenne ». « Si certains en doutent encore, l’avènement de la collectivité unique a généré plus de 27% d’augmentation au niveau des investissements. Ce niveau croit encore en 2023 puisque les dépenses réelles d’investissement enregistrent +8% par rapport à 2022 », souligne-t-il. Sur les résultats comptables, il indique que le résultat cumulé - différence le résultat de fonctionnement et le solde d’exécution - s’élève à 15, 7 millions d’euros, malgré un repli de 7% par rapport à 2022. « Ce repli peut être aussi compensé par une analyse dynamique qui démontre que la diminution de 7% dans le résultat est largement compensé par un accroissement de l’investissement de +8% », précise-t-il. 

« Un implacable effet de ciseau »

L’examen des recettes affiche de son côté une baisse de 0,16%. « Elles représentent un peu moins d’un milliard et demi, et sont pratiquement équivalentes à celles enregistrées en 2022. Elles sont pour 85% d’entre elles des recettes de fonctionnement », explique Alex Vinciguerra en détaillant : « La fiscalité s’élève à 766 millions d’euros et nous constatons une baisse de 4 millions. Les dotations et participations sont de 320 millions d’euros et nous voyons là aussi une baisse de 6 millions d’euros. Les recettes sectorielles de fonctionnement s’élèvent à 152 millions d’euros, en augmentation de 3 millions d’euros ». Enfin, le conseiller exécutif fait un point sur l’état de la dette de la CdC qui est de 1,07 milliards d’euros au 31 décembre 2023 et note que la capacité de désendettement redescend à 5,42 années en 2023 (contre 7 ans en 2022), soit une « moyenne inférieure à celle des autres régions françaises ». 
 
 
« Notre compte financier unique témoigne d’un retour à des ratios totalement conformes aux normes comptables et que notre collectivité se situe dans la moyenne plutôt haute des régions et départements », résume-t-il en reprenant : « Pourtant, nous continuons d’investir comme jamais cela n’a été fait en Corse, nous maitrisons en deçà de l’inflation nos budgets de fonctionnement, mais nous devons aussi considérer la crise nationale et internationale, notamment la déroute des finances publiques, et nous sommes confrontés à un implacable effet de ciseau : d’un côté une augmentation massive des besoins d’investissement qui sont nécessaires à l’inscription de la Corse dans l’économie de demain, mais aussi une incertitude concernant la perception de l’ajustement de la Dotation de Continuité Territoriale (DCT). De l’autre côté de la branche du ciseau, une rigidité de nos recettes, notamment fiscales, nous asphyxie. Alors, même si nos finances sont encore saines et bien gérées, la prospective financière est préoccupante. Plus que jamais, une urgente renégociation financière et fiscale est à conclure avec l’État ». 
 
 
« L’incertitude liée à l’avenir n’a jamais été aussi forte »
 
Si le contexte électoral pouvait laisser augurer des débats houleux, ceux-ci ont finalement été peu animés. Même si l’opposition s’est bien montrée assez critique à l’égard du document. « On ne voit malheureusement pas les efforts qu’on est en droit d’attendre. Il y a des priorités budgétaires que l’on regrette toujours de ne pas voir financées », regrette ainsi Georges Mela sur les bancs d’Un Soffiu Novu en relevant tout de même que « le montant de l’investissement semble être un niveau acceptable, même si nous devons recentrer nos engagements sur des choix stratégiques qui font aujourd’hui cruellement défaut ». Il déplore par ailleurs que le milliard de dette soit officiellement dépassé. « La dette reste l’indicateur le plus inquiétant, alors même que l’on n’a plus de gros investissement depuis bien longtemps », souffle-t-il en commentant le CFU dans sa globalité : « Même si quelques ratios sont en amélioration, le compte n’y est pas, et l’incertitude liée à l’avenir n’a jamais été aussi forte ». De son côté, la seule représentant de Nazione dans l’hémicycle, Josepha Giacometti-Piredda, se montre peu convaincue par le document. « On a l’habitude de dire que ce document est une photographie à un moment T de l’exécution budgétaire, et en matière de photographie il existe aujourd’hui de nombreux logiciels de retouche », pose-t-elle en filant la métaphore : « Ce CFU est un peu photoshopé dans le discours et dans l’intervention, dans la façon de présenter les choses, on lisse le grain sur certains aspects, on dézoome parfois ». « Le réalisé reste conforme à une gestion locale d’une collectivité aux perspectives incertaines. Restent des réalisations saupoudrées, une absence de choix clairement assumée, une absence d’ambition clairement portée, une absence de marqueurs définitivement ancrée », assène-t-elle encore. Saveriu Luciani d’Avanzemu s’interroge pour sa part sur l’avenir. « Dans une perspective de court terme, l’équation va devenir compliquée et certains financements ne sont pas clairement assurés », s’inquiète-t-il en visant notamment la DCT.
 
« Le point principal que l’on doit retenir pour l’avenir c’est que nous avons des recettes qui baissent et des charges qui augmentent », concèdera le président de la commission des finances, Louis Pozzo di Borgo, en ajoutant : « Nous sommes dans une situation de diminution drastiques des recettes et ce n’est que le début. L’État va devoir économiser 70 milliards dans les années à venir et nous savons que les premiers pénalisés seront les collectivités locales ». Appuyant sur ce contexte de raréfication des fonds publics il affirme que la CdC ne pourra « pas garder le même train de vie », et qu’il « y aura des choix à faire ». « Ce document doit se poser comme la pierre angulaire de notre future réflexion. Nous devons aujourd’hui collectivement, en dehors des clivages politiques, nous réunir en commission des finances parce que ce qui pointe après le 7 juillet, bien malin qui pourra dire à quelle sauce nous allons être mangés », instille le conseiller territorial de Femu a Corsica en demandant l’organisation d’une réunion rapide. 
 
En conclusion, Alex Vinciguerra tentera tout d’abord de tempérer les inquiétudes sur la dette. « Devant nous il y a la Normandie, mais derrière nous il y a toutes les autres régions. Nous avons c’est vrai dépassé le milliard, mais c’est un seuil symbolique. Ce qui compte ce n’est pas le montant, c’est la capacité de remboursement », assure-t-il. « On le voit bien nos recettes stagnent, diminuent et risquent de diminuer davantage avec la réduction de de la dotation aux collectivités. Nos dépenses sont toujours plus importantes. Il va falloir que l’on partage une vision commune de nos capacités d’action en recettes ou en dépenses. C’est un sentiment et une réalité qui traverse tous les groupes », conclura-t-il par ailleurs en disant souscrit à la proposition de Pozzo di Borgo d’organiser une réunion exceptionnelle de la commission des finances afin d’avoir « une vision commune de nos capacités d’action actuelles et à venir ». Le CFU sera adopté avec les seules voix de la majorité.