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Nanette Maupertuis : « Nous avons donné à voir au pape et au monde qu’il y a bien un peuple sur cette terre »


Nicole Mari le Jeudi 19 Décembre 2024 à 16:15

Lors de son allocution d’ouverture de la dernière session de l’année, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, est longuement revenue sur la visite papale à Aiacciu pour saluer la ferveur, la joie et l’unité du peuple corse. Cet évènement a, selon elle, prouvé au monde l’existence du peuple corse, sa vitalité et sa force. Elle appelle la jeunesse insulaire à faire vivre la langue corse en tous lieux.



Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Paule Santoni.
C’est in lingua nustrale que la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, débute son discours d’ouverture de la session de novembre pour évoquer le moment extraordinaire qu’a connu l’île dimanche dernier avec la visite du Pape François. Avec une pensée préalable pour le drame qui meurtrit Mayotte : « Allora che no simu sempre sturditi di gioia è di speranza dopu a visita di Papa Francescu, vulerebbe avè una pinsata cummossa pè a pupulazione di Mayotte chì soffre è ghjè à l’addisperu. Averemu dopu à fà inseme una pruposta d’aiutu pè sta ghjente marturiata. L’aiutu è a sulidarità sò i pilastri di u funziunamentu di a sucetà corsa tradiziunale è Papa Francescu l’hà capita bè ». Elle se réjouit que le pape ait compris que « l’aide et la solidarité sont les piliers du fonctionnement de la société corse traditionnelle ». Et de citer l’homélie pontificale rendant hommage aux Corses en clôture de la messe du Casone à Aiacciu : « Le vostre tradizioni sono una ricchezza da custodire e coltivare, ma non per isolarvi, mai. Avanti con le vostre tradizioni avanti, sempre per l’incontro e la condivisione ». Elle juge que l’appel du pape à « aider l’autre, à être nous-mêmes avec l’autre » est un enseignement majeur. « Pè chjode ciò chì firmerà di sicuru ind’è a nostra storia, una stonda intensa, suspesa è di unica bellezza, st’invitu di u Papa à curà l’altri, à esse noi cù l’altri, micca contru, ghjè assai putente è ghjè un insegnamentu maiò di sta prima visita papale in terra di Corsica ».
 
Un peuple debout
Nanette Maupertuis, à l’unisson de la majorité des Corses, considère que ce 15 décembre est « un moment important de notre histoire qui accompagnera longtemps la mémoire des Corses ». Il a, selon elle, manifestement prouvé la capacité de résilience de la Corse, de sa vitalité et de son aptitude au bonheur. « Que nous soyons croyants ou pas, pratiquants ou pas, que nous soyons Corses ou pas, cette journée nous a offert collectivement, et au-delà de l’émotion ressentie par chacun, de quoi nous réconcilier avec les capacités de ce peuple, de quoi nous réjouir et avoir confiance en l’avenir. Au-delà des religions ou des opinions, le peuple corse a été au rendez- vous d’un temps fort sur le plan symbolique. Et quel résultat ! Une ferveur immense s’est emparée de notre île, Aiacciu a accueilli le pèlerinage de Corses venus d’ici et d’ailleurs, un sentiment d’unité et de joie était véritablement palpable dans l’air. Comme aux grandes heures, le peuple corse a fait la démonstration de son existence, de sa vitalité et - oserais-je dire - de sa capacité au bonheur ». Cette visite papale a aussi démontré, explique la présidente Maupertuis, qu’il y a bien, « sans aucun doute », un peuple corse, « un peuple debout » avec sa langue et sa culture : « Tamanta gioia è tamant’allegria in i carrughji aiaccini, ind’è e piazze d’altre cità corse è ind’è e nostre case ! A nostra lingua è a nostra bandera sventulate dapertuttu ! Comme une évidence, nous avons donné à voir au Pape, et au monde, qu’il y a bien un peuple sur cette terre, fier de ses traditions, désireux de les sauvegarder, capable de les partager ».
 
Ne pas perdre espoir
Ce peuple, ajoute-t-elle, ne doit pas perdre espoir. « Un pape s’exprimant en italien, sans traduction, sur cette petite île de Corse où les langues corse, italienne, puis française, dialoguent sans polémique aucune. Nous sommes bien ce que nous disons être depuis des décennies, un peuple avec une langue et une culture propres, naturellement ancré au sein de l’arc nord- tyrrhénien, un peuple qui ne demande qu’à renouer avec cette Méditerranée dont nous sommes les enfants. Une culture multiple assumée et vécue ! Alors pour ce peuple qui ne doit pas perdre espoir, il conviendra de mettre en œuvre, dans le respect des convictions, croyances et non croyances de chacun et de tous, une forme d’attesa gioiosa, une attente heureuse, vers des lendemains qui chantent ». La visite papale a prouvé, poursuit-elle, que : « Nous avons la force, les ressources et la capacité et l’avons démontré ». Avant de remercier le Cardinal Bustillo, artisan de la visite papale, et tous ceux qui ont relevé le défi pour faire de cette première historique « un moment précieux » : « Grazie à tutti pè l’impegnu maiò ! ».
 
Une langue vivante
Prenant à la lettre l’exhortation papale à la solidarité, elle rappelle in lingua nustrale qu'il faut aider les anciens, les malades, les gens dans la précarité, et ne pas oublier les prisonniers politiques. « Forti di e nostre tradizione, cuscenti di e nostre capacità, pè compie st’annu, parechje volte difficiule, vuleria lampà una chjama à seguità l’invitu di Papa Francescu. Cume a sapemu fà, siamu sempre più generosi cù i nostri cari anziani, sò elli i custodi di a nostra storia. Siamu vicini à i malati è à e persone chì strazianu. Anu bisognu di presenza è di gioia. Pensemu à i nostri prigiunieri pulitichi, è à l’anziani prigiunieri. Aiutemu li, sò puntelli maiò di a nostra lotta pè a ricuniscenza di ‘ssu populu ». S’appuyant sur la cohabitation des langues sans polémique brillamment illustrée durant la visite papale, la présidente de l’Assemblée de Corse lance un appel à la jeunesse qui s’est mobilisée contre la décision de la Cour d’appel administrative de Marseille confirmant l'interdiction du Tribunal administratif de Bastia d'utiliser la langue corse dans les débats de l’Assemblée de Corse et au Conseil exécutif. « Una chjama particulare vogliu fà à i ghjovani, impauriti pè a sorte di a nostra lingua. O ghjuvanotti, erate numerosi in carrughju dumenica. Avete vistu che no simu un populu arrittu quand’e no vulemu. A noi di cuntinuà, cù voi, a parlà è cantà corsu sempre è in ogni uccasione è à fà sventulà ‘sse bandere. Se no travagliemu inseme è se no parlemu corsu u più pussibile, in ogni spaziu di vita, a feremu campà ‘ssa lingua è ùn averemu più nunda à teme ne di i tribunali ne di e corte d’appellu ! ». Elle demande à tous de parler corse le plus possible, en toute occasion et en tous lieux, et de rester confiants dans la capacité des Corses à faire vivre leur langue. « Allora siamu fiduciosi ! Bone feste à tutti ! ».