« Le plus difficile, c'est l'isolement » : ce constat, partagé unanimement par les participantes du groupe de parole tenu mercredi 16 octobre, témoigne d’un mal souvent ignoré du grand public. À Bastia, sept femmes, soutenues par des professionnels de santé, ont pu exprimer leurs difficultés liées à la rémission du cancer du sein, dans un contexte où la société peine encore à comprendre les besoins post-maladie.
Lors de cette rencontre inédite en Corse, le Dr Alphonsi, oncologue au Bastia Institut du Sein, et Laetitia Ansaldi, diététicienne, ont abordé des sujets trop souvent relégués au second plan, notamment le sentiment d’abandon ressenti par nombre de patientes une fois les traitements terminés. Ce moment d’échanges était l’occasion de mettre en lumière les besoins spécifiques de celles qui doivent affronter une épreuve psychologique autant que physique après la maladie, et souvent, avec peu de soutien de leur entourage ou des professionnels de santé. « Souvent, les familles ne supportent plus de parler de la maladie. On nous dit que c’est fini, qu’il faut tourner la page, mais nous, on a besoin de parler », confie une participante en rémission depuis cinq ans. Une autre renchérit : « On nous dit d’être optimistes, mais ça n’enlève pas la souffrance que l’on continue de ressentir après la maladie. Les traitements laissent des marques à vie. »
Isolement thérapeutique et familial : un mal silencieux
L'isolement ressenti par ces femmes en rémission s’étend parfois aux soins eux-mêmes. « Une fois le cancer passé, on est souvent laissées à nous-mêmes sans informations », déplore une participante de 57 ans. « Moi, personne ne m'a rien expliqué quand j'ai été déclarée en rémission. J'ai frôlé la mort, d'accord, mais que faut-il faire maintenant ? Quels gestes adopter ? Quelle alimentation ? Quel suivi ? » Cette quête d’informations mène souvent à un flot de contenus contradictoires, source d’anxiété supplémentaire.
La diététicienne Laetitia Ansaldi rappelle l’importance d’un suivi adapté : « L’interdit en nutrition ne fait qu’ajouter de la culpabilité et pousse à braver les règles. Il faut apprendre à manger sereinement. Mais, de manière générale, le soutien diététique et psychologique devrait être plus accessible pendant et après les traitements. » Selon elle, ce soutien « arrive trop tardivement et devrait être intégré dès le début du parcours de soins. »
Un appel à la sensibilisation et au dépistage
En Corse, le dépistage reste inégalement pratiqué, avec des écarts notables selon les territoires. Tandis que plus de 50 % des femmes de Bastia participent aux campagnes de dépistage, à Ajaccio, ce chiffre tombe à 20 %. Pourtant, environ 350 femmes sur l’île reçoivent chaque année un diagnostic de cancer du sein. Pour le Dr Alphonsi, « ces chiffres montrent l'ampleur du travail de sensibilisation à poursuivre, car le dépistage précoce reste essentiel pour augmenter les chances de guérison. »
En permettant à ces femmes de s’exprimer, ce groupe de parole organisé à Bastia ouvre la voie à une nouvelle approche du soutien aux femmes en rémission, en intégrant leurs besoins dans un parcours de soins prolongé. La mairie espère faire de cette initiative une ressource pérenne pour accompagner ces femmes dans leur retour à la vie, bien au-delà de la fin de leur traitement.